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dimanche, 01 octobre 2017

MACRON, TU CAUSES, ...

... TU CAUSES, ...

... C'EST TOUT CE QUE TU SAIS FAIRE !

Comme l'affirmait le philosophe Henri Bergson, pour avoir une idée de ce qu'un homme a vraiment dans la tête, il faut moins écouter ce qu'il dit qu'observer ce qu'il fait : Zénon d'Elée a beau découper verbalement la distance de l'archer à la cible en moitié, moitié de la moitié et moitié de la moitié de la moitié à l'infini, la flèche arrive quand même à son but. Ecoutez Emmanuel Macron : du grandiose, du flamboyant. Des projets pour l'Europe, il en a plein son sac. Pour parvenir à une société un peu meilleure (du moins dit-il, car en réalité : pour faire de la France un compétiteur au taquet dans la guerre économique mondiale qui est aujourd'hui devenue le seul avenir de l'humanité, quel que soit le prix de la "mise à niveau"), c'est pareil, il a plein de belles idées, ou plutôt de grandes idées. A moins que ce ne soient finalement que des grands mots. C'est vrai, dans le fond, les mots, c'est toujours plus facile que les choses. Et des mots, pardon, qu'est-ce qu'il nous en met ! On pourrait même dire à monsieur Macron que, s'il parlait moins, si on le voyait moins, si on n'entendait pas son nom s'incruster comme une tique dans tous les journaux papier, radio et télé, au point de les infecter, on ne s'en porterait pas plus mal. Au contraire. 

Parce que ce monsieur qui se targuait de raréfier la parole présidentielle pour lui rendre un peu de sa noblesse en la replaçant à une distance plus respectable de l'urgence de l'instant présent, il ne se passe pas un jour sans que sa bobine de jeune premier s'affiche dans les magazines et que les caisses de résonance des radio-télévisions s'emplissent des prophéties tombées de l'auguste bouche. C'est sûr, Emmanuel Macron occupe le terrain médiatique. Il plastronne. Il claironne. Il klaxonne. Face à ce flot de paroles verbales, les gens sérieux, parmi lesquels les autres chefs d'Etat européens, se tapotent le menton en attendant de voir venir un peu de concret : ils observent, et se demandent encore si ce jeune homme est en mesure d'entrer dans le dur des négociations, avec des propositions "intelligentes" (entendez : où tous les intérêts soient ménagés).

Cependant, je reconnais au moins que, quand il parle, je n'éprouve plus la véritable honte nationale qui me submergeait en tant que Français quand Hollande faisait entendre sa pauvre voix bégayante, découpant en tronçons méconnaissables les grandes phrases sorties de la plume de ses nègres : Macron sait être un orateur digne de ce nom. Il a dû avoir les félicitations du jury au Grand'O de l'ENA. En clair : Macron est une bête d'épreuve orale, il mouille la chemise, il fait le spectacle. En plus clair : Macron est dans la « com' » jusqu'au cou. Et mieux que ses deux prédécesseurs. Pour Hollande, cela va sans dire : ce n'était pas difficile. Mais idem pour Sarkozy, qui a déclaré pendant l'été : « Macron, c'est moi en mieux » (source Canard enchaîné).

En conclusion, RIEN N'A CHANGÉ. Macron a juste été assez habile pour saisir à temps une opportunité.

Pour l'omniprésence médiatique, Macron est en tout semblable à Sarkozy et Hollande. Ce qui veut dire que la cellule de com' gouverne la France en sous-main, en tandem avec les crânes d'œuf et les « conseillers » de la très HHHaute AAAdministration.

Pour ce qu'on sait de la politique réelle qu'il met en œuvre, on est dans la stricte continuité, en plus marqué : il faut que la France économique rejoigne à marche forcée le train de l'ultralibéralisme, en réduisant à sa plus petite envergure possible l'emprise de l'Etat sur la marche concrète des choses (et ce qui va avec : lutte contre les inégalités, redistribution des richesses produites, ...), et en privatisant le peu qui est encore du domaine public. Face au discours anesthésiant charriant les grands symboles, l'action des petites ou grosses mesures de restriction budgétaire.

Pour ce qui est de l'état de la vie politique en France, on est en mesure aujourd'hui de dire que, entre l'avant-Macron et le avec-Macron, rien n'a changé dans le fond de la gamelle, à ceci près qu'un parti godillot (recruté sur CV s'il vous plaît) a pris la place des deux mafias qui se disputaient le gâteau.

Quant à la prise de température de la société, on commence à être fixé, avec l'introduction dans le droit ordinaire de l'essentiel des mesures d'exception en vigueur pendant l'état d'urgence : le policier remplace le juge. Ce n'est pas une bonne nouvelle. Mais tant que la population dit "Amen", n'est-ce pas ?

La seule chose qui a changé, c'est la qualité de l'habillage. Je veux dire qu'aujourd'hui, il est plutôt flatteur pour l'ego national, le côté "smart" de la façon dont la bonne parole politique est distribuée aux Français. Avec Macron le bonimenteur, voilà la France enfin habillée pour l'hiver.

mercredi, 20 septembre 2017

COCORICO A L'ONU

Décidément, le journaliste français est incorrigible. On est habitué à ces journaleux, patriotards sportifs, qui résument fidèlement, semaine après semaine, les grandes compétitions mondiales à la façon, pitoyable ou glorieuse, dont les performances des petits Français honorent plus ou moins le pays. Cela va de l'enthousiasme le plus apoplectique à la déception la plus dépressive. Mais ça ne s'arrête pas là. 

Car le journaliste français n'a peur de rien et n'a de cesse que de repousser toujours plus loin les frontières virtuelles de l'hexagone. Ainsi, à l'occasion de l'Assemblée Générale de l'ONU, grosse fête mondiale où les chefs d'Etat des cent quatre-vingt-treize nations du monde sont invités à s'exprimer en réunion plénière, le journaliste français n'a rien trouvé de mieux que de réduire la grandiose cérémonie planétaire à une petite querelle de petites personnes. Même s'il est vrai que l'une des personnes est moins petite que l'autre.

Vous savez comment le journaliste français rend compte de l'événement ? En tout et pour tout, elle (c'est une dame) commence par le discours boute-feu de Donald Trump sur la Corée du nord et l'Iran (et autres Etats voyous), puis enchaîne sur la « réponse » vigoureuse apportée par le président français à son homologue américain. Point-barre. Extraordinaire : ce que retient le journaliste français de cette énorme chose qu'est la réunion de tous les pays du monde en un même lieu, c'est l'axe Trump-Macron. Ça, c'est de l'objectivité, coco ! Pensez-vous que les vastes problèmes du monde sont pris en compte ? Non, l'essentiel à retenir est que monsieur Macron a vertement répliqué à monsieur Trump. Ah mais !

Exeunt tous les autres représentants, à commencer par le Russe, le Chinois et autres personnages secondaires. L'Assemblée Générale de l'ONU, c'est l'axe Paris-New York, qu'on se le dise. La France toujours au premier plan, qu'on se le dise ! J'avoue que ça m'a bien fait rire : Tonnerre Grondant (le vaporisateur enflammé de la Corée du Nord) face à Tom Pouce (le pompier de service qui a la main sur l'extincteur). Ce que je trouve extraordinaire dans l'affaire, c'est que le journaliste français, en braquant sa caméra sur ce tandem (le feu et l'eau), fait disparaître le reste du monde d'un coup de baguette magique. Avouez que ça simplifie à merveille : l'art d'escamoter la complexité au profit d'une simplicité aveuglante. Le journaliste français fait des miracles.

La formidable grille de lecture posée par le journaliste français sur l'Assemblée Générale de l'ONU a malheureusement beaucoup à voir, j'en ai peur, avec des « éléments de langage » collectés auprès d'une officine directement branchée sur la ligne téléphonique de l'Elysée : « N'oubliez pas de faire valoir l'intervention de notre président, n'est-ce pas. - A vos ordres, monsieur le conseiller. Je n'y manquerai pas, monsieur le conseiller. »

N'est-ce pas qu'elle est belle, la presse française ?

C'était un aperçu de l'exercice de la noble profession de journaliste en France aujourd'hui. 

mardi, 20 juin 2017

DÉTAIL

Mon art abstrait.

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La rénovation du système politique français n'est pas encore pour demain : les 308 députés de La République en marche ont été élus par 16,55 % des inscrits (chiffre trouvé sur le site du ministère de l'intérieur). Franchement, de qui sont-ils les représentants ? Pas de moi, c'est sûr. 

vendredi, 09 juin 2017

PREMIÈRE SALOPERIE DE MACRON

Visiblement, les Français n'aiment plus le drapeau tricolore. Ils ont oublié le premier mot de leur devise nationale. Qui oserait aujourd'hui entonner « Liberté, liberté chérie, combats avec tes défenseurs. Sous nos drapeaux, que la victoire accoure à tes mâles accents ! Que tes ennemis expirants voient ton triomphe et notre gloire ! » ? Les Français ont honte de leur hymne national.

Quel Henri Béraud oserait écrire, dans notre régime démocratique ce qu'il écrivait dans un journal en 1942, sous le nez des troupes d'occupation : « Français, tiens-toi droit ! » ? Non, le Français, aujourd'hui, baisse les yeux devant le terroriste. Le Français a besoin d'être "protégé", "rassuré", "consolé", suite à tous les crimes commis sur notre sol par des bandits qui voudraient bien que nous-mêmes marchions sur "nos valeurs". Les bandits sont en train de gagner. Ce que veut le Français, ce n'est plus la liberté, c'est la sécurité. Le Français est un animal craintif aux abois. Il crie "au secours" en direction du président.

Et le président, magnanime, prête une oreille favorable à ce cri de désespoir. Lui qui voulait il y a peu, "sortir de l'état d'urgence", va, au contraire, faire entrer l'état d'urgence dans le droit commun, en faisant une loi sécuritaire, une de plus, qui déshabille l'autorité judiciaire pour habiller les autorités administratives. La France est en train de dire adieu à l'état de droit. La France s'engage la fleur au fusil dans la voie du régime d'exception permanent. Pour un homme qui peut à bon droit se dire "d'Etat" (il est légitime, puisque élu), voilà un drôle de chef. La question que je me pose : combien de semblables saloperies vont suivre ? En la circonstance présente, j'éprouve, qu'on me pardonne, une grande honte. J'aimerais bien ne pas être le seul.

La liberté, ce n'est pas moi qui en parle :

« Le loup déjà se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.

"Qu'est-ce là ? lui dit-il - Rien. - Quoi, rien ? - Peu de chose.

- Mais encor ? - Le collier dont je suis attaché

De ce que vous voyez est peut-être la cause. -

Attaché ! dit le loup : vous ne courez donc pas

Où vous voulez ? - Pas toujours ; mais qu'importe ? -

Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor."

Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor ».

Le Français, trop plein de son confort, trop conscient de ce qu'il a à perdre, n'est plus un loup, s'il l'a jamais été. Il est gavé de démocratie. Qui prendrait, aujourd'hui, le parti du loup ?

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mercredi, 17 mai 2017

UN ESPOIR ?

Il est un peu tôt pour se prononcer sur ce que peut donner la présidence Macron, et je me laisse peut-être bercer dans l'écume des apparences, mais enfin, je crois percevoir à la surface de l'actualité comme le friselis d'une brise pas trop malodorante. Ce n'est pas encore de l'optimisme, mais. J'ai envie, à tort ou à raison, de me dire que quelque chose est peut-être en train, je ne dis pas de changer : au moins de bouger un peu. Et je l'avoue, j'ai eu tort de traiter le jeune énarque de "baudruche". Certes, les vieilles forces qui ont congelé la vie politique française depuis bientôt quarante ans n'ont pas dit leur dernier mot. Les fossiles de "droite" et de "gauche" n'ont aucune envie d'être collés au musée de paléontologie : ils se cramponnent de toutes leurs griffes au terrain. Est-ce que le frisson qui semble remuer le rideau de fer sera suffisant pour que le sang politique de la France recommence à circuler dans ses artères ? Ce serait déjà énorme. Il faut attendre le deuxième tour des législatives : combien de vieux crocodiles se retrouveront au Palais Bourbon ? On verra.

De toute façon, même si le système politique français reprend vie sous l'indéniable impulsion donnée par le petit Macron, restera son programme économique, et là, nous ne sommes pas au bout de nos peines. Et je ne parle pas du réformisme sociétal ("progressiste", évidemment) qui anime le nouveau président. 

En attendant les éventuels jours meilleurs, merci de ne pas me réveiller.

mercredi, 10 mai 2017

L’HÉRITIER ?

EMMANUEL HOLLANDE OU FRANÇOIS MACRON ?

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Photo de une du Progrès du 9 mai 2017.

 

Je ne sais pas si je délire ou non, mais je trouve cette photo tout à fait extraordinaire, à cause de la drôle de réflexion qu'elle m'inspire. Elle me donne l'impression qu'un masque tombe : celui de la brouille irrémédiable. On y voit en effet l'ancien et le nouveau se regardant et se souriant, en train d'éprouver un contentement qui m'a semblé authentique. Ce regard et ce sourire m'ont sauté aux yeux à cause de cet air de complète satisfaction mutuelle que j'y ai vu (à tort ou à raison). Si j'avais à imaginer une légende à cette photo (AFP), ce serait un dialogue du genre : « Tu vois, papa, j'y suis arrivé. Je l'ai fait ! - Bravo, fiston, ça a marché. Je savais que je pouvais compter sur toi ! ». Ils sont visiblement satisfaits l'un de l'autre, et pas seulement parce qu'ils commémorent la capitulation allemande en 1945.

Si je n'ai pas les pieds à côté de mes pompes, cela signifie que le capitaine de pédalo, se sentant définitivement (et à raison) grillé, à décidé de faire ce qu'il considère comme un "beau geste", et de transmettre la fonction à un héritier jugé à même de la faire fructifier et prospérer. Mais surtout, si tel était vraiment le cas, cela voudrait dire que les deux compères ont joué devant toute la France un chef d'œuvre de scénario de dissimulation. Alors, comédie, la "trahison" du poulain du président bombardé ministre ? Comédie, l'émotion du président annonçant en décembre qu'il ne se présenterait pas à l'élection ? Si ce n'est pas pure hallucination, alors là, je dis : bien joué ! Et chapeau, les artistes ! Et merci au photographe de l'AFP.

Merci de me dire si je me trompe.

lundi, 08 mai 2017

ALORS QUOI, MAINTENANT ?

Ben oui, c'est Macron. Et alors ? C'est bien ce qui était attendu, non ?

Le merveilleux dans l'histoire, c'est que certains osent considérer ce choix comme une victoire, alors même que les électeurs français n'ont jamais autant voté CONTRE. Une VICTOIRE, vraiment, battre Marine Le Pen ? Allons donc. Admettons que bien des gens puissent se sentir aujourd'hui soulagés et rassurés. Mais une victoire ? Franchement, qu'est-ce qui a changé ? En tout cas, sûrement pas la situation, je veux dire l'état général du pays, avec sa masse de pauvres et ses régions désindustrialisées. Ce qui n'a pas changé, ce sont donc en effet tous les facteurs qui ont favorisé la montée du Front National. Marine Le Pen n'a pas eu tort, hier soir, de se féliciter de son résultat : elle a cinq ans devant elle pour préparer son accès au pouvoir. Si la Machine à fabriquer le Front National continue sur sa lancée, on peut déjà prévoir l'issue de 2022. On se souviendra alors de Soumission, le roman de Michel Houellebecq paru en 2015.

Je veux bien croire qu'Emmanuel Macron est plein de bonne volonté. J'espère qu'il a l'intention de changer quelque chose aux causes qui ont produit Le Pen au second tour, mais d'abord, dans quelle direction ? Et puis surtout, le pourra-t-il ? Avec qui va-t-il travailler ? S'il le fait avec les vieux crocodiles qui peuplent le marigot français depuis quarante ans, on peut déjà dire que les jeux sont faits. Il y a une chance, du côté du nouveau président, s'il arrive à faire élire des députés en nombre suffisant qui ne traînent pas le lourd passé des Fillon, Mélenchon, Valls, Le Drian, Lemaire et compagnie. S'il arrive à constituer une Chambre entièrement neuve. Et ça, c'est loin d'être gagné : les grandes manœuvres ont déjà commencé pour circonvenir et circonscrire le petit nouveau. Les résistances sont déjà en place, et bien enracinées dans le paysage. Les vieux crocodiles et autres grands prédateurs politiques ne vont pas se laisser tanner le cuir sans réagir : ils ont encore des crocs. Ce qu'il reste du Parti Socialiste et de l'ex-UMP (je ne digère pas "les républicains") a encore des structures et des réseaux. Et ça, ça ne s'efface pas d'un coup d'éponge. 

Attendons de voir ce dont est capable ce petit jeune, brillant pianiste paraît-il. Je suis prêt à tout, y compris à être DÉÇU EN BIEN. Ce sera le cas s'il parvient à mettre en panne la Machine à fabriquer Le Pen, et si, grâce à lui, s'ouvre une perspective d'avenir un peu désirable. S'il y arrive, ce sera un véritable grand exploit sportif, que je serai tout prêt à saluer très très bas.

Sans préjuger de l'avenir et du possible, je souhaite à Emmanuel Macron bien du courage, de l'énergie, de la justesse dans le jugement et du pouvoir de persuasion.

vendredi, 05 mai 2017

HISTOIRE DE MARCIOLE

Je me suis contenté de recueillir quelques échos du débat de mercredi soir entre Macron et Le Pen. Echos effrayants, non pas tant à cause du comportement de hyène hallucinée de la candidate qu'à cause du (ca)niveau où est descendu le pays, pour être capable de se donner un tel spectacle. Quoi qu'il arrive dimanche soir, je ne fais aucune confiance au probable vainqueur pour en finir une fois pour toutes avec toutes les raisons qui ont servi d'aliment à l'incessante montée du Front National. Le Pen peut d'ores et déjà porter son regard sur l'horizon 2022 avec confiance. Plus prospérera le désastre (moral et autre) promis par l'élection de Macron et la poursuite de la même politique - en pire si possible, avec toujours les mêmes chacals, vieux loups, vieux renards, vieux chevaux de retour - plus le Front National peut dès demain commencer à se lécher les babines. Et cela, aucun "barrage" ou prétendu tel ne pourra l'arrêter. Passons à la littérature.

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Histoire (pleine de sel, de poivre et d’enseignement) du seigneur de La Roche et de la belle Marciole.

Que les féministes attendent le tout dernier paragraphe pour pousser les hauts cris devant le spectacle de cette horde de machos libidineux. L’humiliation n’est pas du côté que l’on aurait pu la croire. Et monsieur de La Roche est un seigneur qui a de la classe et de l’autorité. On trouve cette histoire raffinée, mâtinée de bestialité, dans les premiers chapitres du Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville (1556-1626).

Monsieur de La Roche a convié des petits seigneurs des environs. Voici la scène et, on le comprendra, en français modernisé. Ce n'est sans doute pas par hasard que le chapitre est intitulé "Cérémonie".

« Son meunier plus proche de son château, ayant recueilli le premier de fort belles cerises bien avancées, les lui envoya le jour. Là, il y avait avec monsieur plusieurs gentilshommes de ses voisins – c’étaient gentilshommes de la petite pesse [de rang inférieur], comme vous diriez les chanoines de Saint-Maimbœuf à Angers au prix de ceux de Saint-Maurice, ou bien ceux de Saint-Venant à l’égard de ceux de Saint-Martin de Tours. J’y suis, j’ai rencontré !... Le meunier mit ces cerises en un beau petit panier et le bailla à sa fille pour le porter à monsieur.

La belle, qui était de l’âge d’un vieil bœuf, désirable et fraîche, vint dans la salle faire la révérence à monsieur qui dînait et lui présenta ce fruit de par son père. "Ha ! dit La Roche, voilà qui est très beau ! Sus dit-il à ses valets, apportez ici les quatre plus beaux linceuls qui soient céans et les étendez par la place". Notez en passant qu’il fallait obéir à tout ce qu’il disait, d’autant qu’il était le protype de l’antéchrist. C’est lui dont les prêcheurs disaient ce carême que, comme hérétique, il pointait sur sa tour ses fauconneaux et était si bon canonnier – comme le sire de Santal – que, gaiement, il tirait le cheval entre les jambes de son ami qui venait de dîner avec lui et le prenait au passage, au détour du carrefour. Et, pour montrer son adresse, quand le laboureur tournait sa charrue, il donnait droit à l’appui de l’aiguillon sans faire mal au laboureur et tout pour rire …

Les draps étendus, il commanda à la belle de se dépouiller. La pauvre Marciole se prit à pleurer. "Ha ! que vous êtes sage, vous vous gardez bien de rire ! Fille à qui la bouche pleure, le con lui rit. Allons, çà ! dépêchez ou je ferai venir ici tous les diables ! Holà ! sans me fâcher, faites ce que je vous dis". La pauvrette se déshabille, se déchausse, se décoiffe et puis – ô le danger ! elle tira sa chemise et, toute nue comme une fée sortant de l’eau, va semer ses cerises de côté et d’autre, de long et de large, sur les beaux linceuls au commandement de monsieur. Ses beaux cheveux épars, mignons lacets d’amour, allaient vétillant sur ce beau chef d’œuvre de nature, poli, plein et en bon point, montrant en diversité de gestes un million d’admirables mignardises. Ses deux tétons, jolies ballottes de plaisir jointes à l’ivoire du sein, firent des apparences montueuses, différentes en trop de sortes selon qu’elles parurent en distincts aspects. Les yeux paillards, qui se glissaient vers ses bonnes cuisses pleines et relevées de tout ce que la beauté communique à tels remparts et commodités du cachet d’amour, ravissaient de regards goulus toutes les plus parfaites idées qu’ils en pouvaient remarquer. Et, combien qu’il y eût tant de beautés étalées en doux spectacle, il n’y avait pourtant qu’un petit endroit qui fût curieusement recherché avec la vue, tant les regards tiraient au but où chacun eût voulu donner, tous n’ayant intention qu’au précieux coin où se tient le registre des mystères amoureux.

Après que les cerises furent semées, il les fallut recueillir et ce fut lors qu’apparurent de merveilleuses dispositions, essayant de cacher surtout le précieux labyrinthe de concupiscence. Le pauvre petit centre de délices eut bien de la peine à chercher des gestes pour se faire disparaître. Ce beau parfait, cette belle étoffe à faire la pauvreté [faire la bête à deux dos], ce corps tant accompli fut vu en tant de plans si délicieux que, difficilement, y eut-il jamais yeux plus satisfaits que ceux des assistants. L’un, la regardant, disait : "Il n’y a rien au monde de si beau : je ne voudrais pas, pour cent écus, n’avoir eu le contentement que je reçois". Un autre, racontant sa fantaisie occupée de délectation, prisait sa bonne aventure en ce spectacle plus de deux cents écus. Un vieux pécheur mettait cette liesse à trois cents écus. Un valet, trémoussant comme les autres, en mettait sa part de plaisir à dix écus. Et n’y eut celui des maîtres qui ne parlât de cent ou cent cinquante écus, qui plus, qui moins, selon que la langue allait après les yeux, spirituellement léchant le marbre de ce spectacle sur lequel la parole fourchait après l’esprit – lequel attachait à cette beauté son imagination, avec cent mille spécieuses images. Chacun des regardants avança sa goulée et proféra la somme du prix des délices qu’il avait imaginées.

Les cerises remises au panier, la belle revint vers les fenêtres reprendre sa chemise – encore, les yeux des voyants s’allaient allongeant par les replis, afin d’avoir quelque reste d’objet. Et ainsi, peu à peu qu’elle levait une jambe puis l’autre, ils épiaient, tant qu’elle se fut remise en l’état de sa venue, toute coiffée et habillée. Ses beaux yeux, petits cupidonneaux, étaient tout relents des vagues de feu qu’ils avaient octroyées à la honte de présenter, en liqueur pour excuse de cette aventure. Monsieur de La Roche, cependant, avait les yeux en la tête et le regard au bel objet, riant en carré plus d’un pied et demi dans le cœur, ayant toutefois dessein à écouter ce que ces tiercelets jasaient tandis que, trop bavards, ils se délavaient les badigoinces de ce qu’ils avaient à dire. Il les observait et retenait fort bien le tout – et surtout la taxe que chacun avait faite au rapport de son aise. Même, il remarqua jusqu’à un laquais qui avait allégué un écu. "Laisse-toi choir, t’y voilà : il ne faut que se baisser et en prendre !".

Marciole, tout habillée, fut par le commandement de mondit sieur assise au bout de la table, où il la réconforta et renforça le mieux qu’il put, lui donnant de ce qu’il y avait de plus délicat. Elle était fâchée et pleureuse, indignée d’avoir montré tout ce que Dieu lui avait donné d’apparent et avait regret que tant de gens l’eussent vue à la fois hors de l’église. Quand La Roche se fut avisé, il frémit sur la compagnie et, tournant les yeux en la tête comme les lions de notre horloge de Saint-Jean de Lyon, se mit à jurer son grand juron évangélique – d’autant que pour lors il était huguenot de bienséance – et dit : "Par la certe Dieu ! – ainsi que jurent les voleurs qui sont de la religion – messieurs, pensez-vous que je vous veuille servir de bouffon ? Que je sois votre plaisant, votre valet, votre provisionneur de chair vive ? Par la double, digne, grande corne triple du plus ferme cocu qui soit ici, vous payerez chacun ce que vous avez dit ou il n’y aura jambe, tête, membre, tripe, corps, poil, jarret qui demeure sauve ! Ventre de putain ! vous le compterez tout présentement, si mieux vous n’aimez avoir les yeux pochés et les vits coupés".

 – Si on les eût tous coupés, cela eût servi à l’abbesse de Montfleury, à laquelle son procureur vint dire, ces vendanges passées, que la vis de son pressoir était rompue. Sur quoi, ayant longtemps pensé, elle dit : "Foi de femme ! si je vis, je ferai provision de vis".

… Les paroles de ce monsieur firent peur à messieurs les hobereaux, qui payèrent ce qu’ils avaient dit ou l’envoyèrent quérir, ou l’empruntèrent de mondit sieur sur bons gages ou bonne cédule. Ainsi cette noblesse effarée cracha au panier environ douze cents beaux mignons écus de mise et prise …

– J’aimerais bien mieux faire ma provision à Paris, j’aurais pleine chemise de chair pour cinq sols et une panerée de cerises pour quatre !

… Les écus mis au panier, La Roche les bailla à Marciole qui se mordait la langue de grande rage d’aise, sachant que c’était pour elle. Et monsieur lui dit : "Tenez, ma mie, portez cela à votre père et lui dites que vous l’avez gagné à montrer votre cul. Il y en a beaucoup qui l’ont montré et le montrent qui ne gagnent pas tant – et si courent plus grande fortune" ».

… "de grande rage d’aise" est une expression puissante. Je n'ai rien voulu omettre de la narration originale, tant la saveur, y compris des incises, incidentes et excursus, me semble de haute essence. Je garde aussi "spirituellement léchant le marbre de ce spectacle". On a les forces qu'on peut, mais les faiblesses qu'on choisit. J'ai choisi mes faiblesses.

vendredi, 28 avril 2017

MICHÉA : NOTRE ENNEMI, LE CAPITAL

MICHEA NOTRE ENNEMI.jpgLe regard que Jean-Claude Michéa porte sur le monde tel qu’il va à sa perte est d'une justesse sans faille. Son analyse, qui rejoint sur plusieurs points la critique principale que Paul Jorion adresse au système capitaliste actuel, c'est-à-dire son ahurissant comportement suicidaire, constant et obstiné (voir citation sur la couverture ci-contre et billets des 24-25 avril). Michéa voit juste, malheureusement son style et sa méthode sont tout à fait décourageants à force d'accumulation de complications dans la démarche.

Qu’on en juge : l’axe principal de son propos tel qu’il s’expose en quatre courts chapitres tient dans les quatre-vingts premières pages, les deux cent vingt-neuf suivantes étant consacrées à développer des « scolies » (alias "commentaires", numérotés de A à P), qui sont autant de greffes entées sur le tronc du raisonnement, et qu’il préfère, pour cette fois, regrouper à part. Et non content de cette "curiosité", chacune des scolies digresse en notes, souvent très copieuses et qui volent parfois en escadrille, annoncées en lettres minuscules cette fois.

Par-dessus le marché, son style d’exposition n’est pas fait pour faciliter la tâche au lecteur. Je ne nie pas la nécessité de la précision et de l’exactitude de l’expression. Mais, pour prendre un exemple dans la psychanalyse, entre la manière quasi-maniaque d’un Jacques Lacan et le langage accessible d’un Didier Anzieu, je choisis ce dernier, dont on suit en général le propos sans peine : le non-spécialiste lui en sait gré, quelle que soit la validité de ses thèses.

La langue de Michéa est faite de phrases à rallonge (celle qui commence page 65 s’achève vingt-cinq lignes plus bas, et quatre ou cinq pages plus loin, à cause des notes !), et qui plus est, de phrases souvent bourrées d'interruptions diverses, sous forme d’incises, de tirets, de parenthèses, qui finissent par noyer le fil conducteur sous les strates multiples. C’est sûr, l’auteur ne veut rien oublier, mais cette façon d’écrire, jointe au choix de la scolie, a quelque chose d’horripilant.

C'est ce que je reprochais, par exemple, à Bourdieu (du temps où je lisais ça), dont on se demande après combien d'incises et de propositions subordonnées la phrase qu'il vient de commencer va s'achever. C'était permis à Proust qui, lui, écrivait de la littérature. A quoi tient le besoin de certains intellectuels d'obscurcir à loisir leurs thèses, auxquelles je suppose pourtant qu'ils tiennent ?

C’est d’autant plus dommage, dans le livre de Michéa, que bien des remarques, dans le texte ou dans les notes, ont tout pour remplir d'aise le lecteur déjà un brin critique. Pour rester page 65, par exemple, Michéa s’en prend, en bas de page, à tous les intellectuels qui ont décidé de rénover le discours du capital en affublant leur entreprise du masque de la « déconstruction » ("neutralité axiologique" oblige : la belle blague). Il place ceci entre parenthèses : « comme en témoigne, entre autres, le fait que la carrière d’un universitaire français – du moins dans le domaine des « sciences sociales » – dépend avant tout, de nos jours, du nombre de génuflexions qu’il acceptera d’accomplir devant l’œuvre de Foucault et de Derrida ». Je goûte fort les guillemets à "sciences sociales".

Oui, la police universitaire est bien faite, et l'ordre économique et idéologique y règne. Cette mise en cause fait un bien fou, car la gauche soft, vous savez, la gauche sociétale qui s'est désintéressée des rapports de classes et des rapports de production pour se convertir à l'économie de marché et à la dérégulation morale, fait en effet régner dans les « sciences » humaines un terrorisme intellectuel qui paralyse et stérilise la pensée dans l’université française, où la cooptation, si elle n'est pas la règle absolue, pèse quand même de tout son poids.

Toujours sur un de ces papes de la « déconstruction » : « Certains se souviendront alors peut-être du jugement prophétique de Sartre. La pensée de Foucault – écrivait-il dès 1966 – est "le dernier barrage que la bourgeoisie puisse encore dresser contre Marx". L’université française contemporaine est là pour le confirmer » (p.61). Bien que je n'approuve pas trop la référence à Sartre, je trouve que s'en prendre à Foucault et Derrida, c'est ne pas manquer de courage, et l'on comprend que tous leurs émules s'entendent à merveille pour rejeter avec haine et hauteur Michéa parmi les plus fieffés "réactionnaires". 

De même quand il s’en prend à une figure quasi-christique de la gauche moderne, sociétale et cosmétique, celle qui a promu le "mariage" des homosexuels : « Si, du reste, ces notions d’identité nationale et de continuité historique ne renvoyaient qu’à un simple "mythe populiste", une Christiane Taubira pourrait encore exiger – sous les applaudissements de cette même extrême-gauche libérale – la "repentance" collective des Français d’aujourd’hui pour des crimes commis aux XVI° et XVII° siècles par un petit nombre de leurs ancêtres » (p.33). Soit dit en passant, Taubira a, entre autres, été un temps l'égérie de Bernard Tapie ! Tiens, au fait, n’est-ce pas le baratineur Emmanuel Macron qui, en Algérie, a décrété que la colonisation avait été un "crime contre l’humanité" ? Repentons-nous, mes frères !!! En chemise et la corde au cou ! Comme les bourgeois de Calais (ça avait une autre gueule que la "jungle",  sous la patte de Rodin). 

La mise en cause du système capitaliste qui met la planète en coupe réglée et qui bourre les crânes à coups d’idéologie libertaro-marchande est donc tout à fait impeccable. Quel dommage que Jean-Claude Michéa n’arrive pas à débroussailler sévèrement la forêt emberlificotée de ses raisonnements !

Ses ennemis, nombreux, soyons-en sûr, s'en félicitent. 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 27 avril 2017

FAIRE BARRAGE A QUOI ?

Alors voilà, ce sera Macron ou Le Pen. Comptons sur Macron pour veiller à se savonner lui-même la planche d'ici le 7 mai. Franchement, je ne sais pas ce qui a pris à ce freluquet d'aller fêter sa "victoire" à La Rotonde. Mais quelle victoire, espèce de niais ? « Je m'voyais déjà en haut de l'affiche, En dix fois plus gros que n'importe qui mon nom s'étalait », chantait Aznavour. Mais Macron ne pourra pas chanter, comme dans la chanson, « On ne m'a jamais accordé ma chance ». Sa chance, il l'aura eue, et même au-delà, et il est en train de la gâcher, parce qu'il ne se rend même pas compte.

S'il va à la déconfiture, il ne pourra s'en prendre qu'à sa propre personne, arrogante et imbue d'elle-même. Si c'est Le Pen qui est élue, Macron pourra se vanter d'avoir vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué. On ne s'étonne pas au passage que le manœuvrier Gérard Collomb, maire de Lyon, prenne la défense de ce petit viron festif. Même le petit Sarkozy, vous savez, l'homme au talon à ressort, l'homme à l'épaule hystérique, avait attendu le soir du deuxième tour pour aller fêter sa victoire, authentique pour le coup, au Fouquet's et sur le palace flottant de son copain Bolloré, avec les dégâts que l'on sait dans l'opinion publique.  

On hallucine d'observer un tel mépris de la réalité ordinaire chez quelqu'un qui prétend à la plus haute fonction. Macron ne vaut pas plus tripette que la Le Pen : l'un veut continuer à faire passer le rouleau compresseur de l'ultralibéralisme sur les Français, pendant que l'autre projette sereinement de ruiner le peuple en six mois, et "au nom du peuple", s'il vous plaît (voir son programme économique délirant, qui consiste grosso modo à démesurer les dépenses de l'Etat tout en asséchant ses ressources). Alors, que préférez-vous, la peste ou le choléra ? Quel monstre vous attire le plus ? Le monstre capitaliste ou le monstre autoritaire ? En quoi Macron est-il moins pire que Le Pen ? Juste en ce qu'il distribuera quelques lots de consolation aux "perdants de la mondialisation" ? Allons donc !

Ces remarques sont à considérer comme une "explication de vote". On m'accusera de favoriser la politique du pire. Je récuse le reproche : ceux qui auront élu Marine Le Pen sont exclusivement ceux qui auront mis un bulletin à son nom dans l'urne le 7 mai. En 2002, face à l'alternative Chirac - Le Pen, je m'étais ému (comme pas mal de gens) et j'avait opté pour l'escroc pour ne pas avoir le facho. Résultat : 82% au deuxième tour pour l'escroc (qui s'était contenté de 19,88% au premier !!!), qui se permit même, devant témoins, le geste obscène du "doigt dans le trou du fût", pour bien faire comprendre en quelle estime il tenait les électeurs.

Et ce n'est pas les suites cocufiantes données par Sarkozy au NON majoritaire de 2005 qui m'ont réconcilié avec les urnes. On ne me reprendra plus à voter contre quelqu'un et contre moi. Et j'attendrai, pour retourner dans un bureau de vote, de pouvoir, en conscience, voter POUR. Devoir civique, mon œil : je refuse d'intérioriser la haine de soi contenue dans la résignation à voter contre ses propres convictions. Quel honneur y a-t-il à cette abnégation ? A quoi sert le droit de vote ? Est-il digne de voter "avec des pincettes" ou "en se bouchant le nez", comme je l'ai entendu sur les ondes ? 

Si par malheur Le Pen est élue, je me dis, d'une part, qu'après tout, elle sera légitimée par le suffrage universel, d'autre part, qu'on pourra en remercier très directement Mitterrand (qui a mis le pied à l'étrier au papa Le Pen), Chirac, Sarkozy, Hollande, Fillon, Emmanuel Macron et leurs entourages. Cela fait pas mal de monde. L'emprise incroyable du Front National sur la vie politique (appelons ça comme ça, bien que) est l'immonde cadeau fait à la France par la lâcheté intrinsèque, la médiocrité confondante et les calculs à la petite semaine de ces individus et de leurs amis, dont tous les efforts ont été tournés non vers le pays et l'Etat qu'ils disaient "servir" (quelques menues exceptions quand même), mais vers la "carrière" personnelle. Ce sont ces tristes individus qui ont amené la vie politique française jusqu'à l'état terminal de décomposition avancée où nous la voyons aujourd'hui. 

Tous complices, les uns après les autres, de la désertification industrielle, qui a poussé les populations ouvrières vers ce désespoir qui leur fait croire que le salut viendra de Marine Le Pen. Tous responsables, les uns après les autres, de la montée inexorable du chômage (le dernier en date, l'inénarrable Hollande, champion de l'inversion de courbe, a vu croître le nombre de chômeurs de plusieurs centaines de milliers) et de l'appauvrissement de la France, ou tout au moins de l'Etat français. Tous accapareurs de la représentation nationale par une cohorte formatée de bureaucrates, de comptables, de secrétaires, de chefs de bureau. Car il y a moins en France de véritables hommes politiques que de gestionnaires plus ou moins compétents et plus ou moins intéressés. Moins politiques que politiciens, plus administrateurs de l'existant qu'ambitieux pour leur patrie. De quoi gerber.

Il ne reste plus qu'à faire comme Diogène qui, se baladant en plein jour avec sa lanterne allumée, répondait à ceux qui s'étonnaient : « Je cherche un homme ». On pourra toujours se demander ensuite comment le terreau politique a été ainsi stérilisé. Vous avez dit l'ENA ?

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vendredi, 24 mars 2017

FAIRE BARRAGE AU F.N.

Il m’est impossible de comprendre pourquoi dix millions de Français ont passé la soirée de lundi 20 mars devant leur télé. Comme s'il pouvait sortir quoi que ce soit de nouveau d'un spectacle aussi lamentable. Cet appétit dévorant qui pousse une telle masse de gens à se jeter sur un tel plat de nouilles flasques me paraît proprement ahurissant. Vraiment, voilà les gens que les citoyens osent consentir à croire dignes de gouverner la France ? Eh bien franchement, le tableau n’est pas joli-joli et laisse entrevoir un avenir qui est tout sauf rassurant, quel que soit l’élu. Une population vautrée devant ce paysage de ruine, franchement, de quoi avons-nous l'air ?

Je sais bien que la perspective de voir la Le Pen accéder au trône présidentiel est très inquiétante. Mais soyons sérieux : comment en est-on arrivé là ? Au lieu de beugler « Au secours ! » devant la menace et d’appeler à « faire barrage au Front National », comment ne voit-on pas que si la Le Pen n’a jamais été aussi près du pouvoir, c’est que les politiciens des deux bords, droite et gauche réunies, l’ont bien voulu. Non, disons carrément qu'ils ont tout fait pour arriver à ce moment, parce qu'ils ont perdu de vue le sens de l’Etat à mesure qu’ils prenaient goût à l’exercice du pouvoir.

Comment ne voit-on pas que le succès de ce parti (qui n'est pas, en fin de compte, un parti politique, mais une petite entreprise qui n'aspire qu'à grossir), sur lequel la même famille règne depuis le début, a été fabriqué de toutes pièces par la veulerie, l’incompétence, et parfois la vilenie des deux forces qui se partagent le pouvoir depuis quarante ans. Si le Front National semble (je dis "semble") à même aujourd’hui de l’emporter, cela découle logiquement, presque mécaniquement de cette longue pratique. Au pays des Lilliputiens politiques, les nains sont rois. La décomposition à l’œuvre dans le fumier de la vie politique française produit nécessairement la pestilence Le Pen.

Plutôt que d’appeler au secours (qui répondrait à cet appel ?), c’est un cri de colère qui aurait dû s’élever à l’encontre des cinq "débatteurs" de lundi 20, et de toute cette classe politique devenue, au fil du temps, une caste, pour ne pas dire une mafia, avec ses conventions tacites, ses us et coutumes, ses adoubements, ses calculs, ses marchandages. Les membres de la confrérie ont eu le temps de tisser des relations avec tous ceux qu’ils estimaient en mesure de favoriser leur réélection, hommes d’affaires, hommes d’influence, hommes des médias, professionnels de la communication, etc.

Qu’appelle-t-on un « système », ce mot  tant prisé de tous les candidats qui se proclament en dehors ? Je le définirais comme un réseau d’interdépendances si serrées que toutes les pièces de la machine fonctionnent solidairement, puisque chacune a un besoin vital de toutes les autres pour que l'ensemble fonctionne : l'existence lubrifiée de chacune conditionne la pérennité de toutes les autres. C'est ça, un « système ». On dit que toutes les pièces « se tiennent ». Les individus n’y peuvent rien : c’est une structure. Si les individus ne le sont pas tous, c'est la structure qui est pourrie.

C’est précisément le tableau que nous avons sous les yeux, institutions comprises, dont chacun a appris à respirer l’air et à mettre en œuvre à son profit les leviers qu’elles offrent. A cet égard, tous les candidats sont partie intégrante du « système » qu’ils se plaisent à dénoncer, même Poutou et Arthaud, dont le but est avant tout de fidéliser leur clientèle, maigre par nature, voire étique, pour ne pas dire cachectique (prononcer "kakektik").

A cet égard, tout le monde a bien raison de dénoncer le « système », mais on se garde en général comme de la peste d’en formuler les conséquences logiques. C’est tout le « système » qu’il faudrait mettre à bas. La colère et le dégoût que devrait inspirer le paysage politique français ne s’adressent donc pas aux individus, même si certains d’entre eux ont des comportements particulièrement répugnants.

Colère et dégoût ne devraient pas non plus, si l’on était un peu lucide, mettre la Le Pen en position d’être choisie : ce n’est pas d’elle que peut venir le renouvellement, tant elle a d’impatience de chausser les pantoufles du « système », pour le faire fonctionner à son profit et à celui de ses amis, quitte à ruiner le pays que celui-ci structure (comme le promet son programme). La colère et la haine, disait le cardinal de Retz, ne doivent pas étouffer la réflexion ni l'intelligence. Mais « les peuples » (comme dit Retz), en sont-ils capables ?

Alors quoi ? Fonder la « sixième République » ? Mais la République dont les révolutionnaires de 1792 ont accouché était ardemment désirée par tout un peuple. En 2017, où est le peuple ? Quelles sont ses attentes ? Comment se porte-t-il, moralement et intellectuellement ? On me dit que les sondages accordent toujours à Fillon un socle incassable de 18-20% d’électeurs qui lui restent fidèles malgré tout ce qu’on sait du personnage. C’est ça, le peuple français, vraiment ?

Après l’affaire OM-VA (1993), on a bien vu Jacques Mellick réélu à Valenciennes, comme s’il n’avait rien fait de mal. Et ne parlons pas de Levallois-Perret et des réélections constantes de Balkany, ou de Corbeil-Essonnes et de Serge Dassault, deux adeptes du clientélisme à l’état aigu, et du ver corrupteur dans le fruit national. Un peuple qui se laisse acheter en échange de quelques babioles ne mérite-t-il pas son sort ? Que veut aujourd’hui le peuple français, pour autant qu’il existe ? Le sait-il lui-même ? Comme on le voit, il n’y a pas que la perspective Le Pen qui m’inquiète : le "peuple français" (que plus personne de sérieux n'ose invoquer) n'est guère rassurant non plus.

Qui, aujourd’hui, a la moindre idée des ressorts sur lesquels il faudrait agir pour sortir de cette énorme pataugeoire ? Qui, aujourd’hui, est à la dimension du problème ? Sans parler de susciter l’unanimité, sans en appeler à je ne sais quel improbable "homme providentiel", autour de quelle « idée de la France » un homme avisé aurait l’intelligence, l'envergure, la force et l’audace de fédérer ne serait-ce qu’une majorité de Français autour de sa vision ? Ce qu'on appelait en d'autres temps un caractère ? Je veux dire un homme d'une trempe à se faire des ennemis de haute qualité, non des roquets de caniveau mordeurs de mollets ? Larrouturou ? Asselineau ? Cheminade ? Dupont-Aignan ? Soyons sérieux. Quant aux cinq du « débat » du lundi 20, je n’ai aucune envie d’épiloguer.

« Il n’est pas de sauveur suprême / Ni dieu, ni césar, ni tribun », dit un vieux tube de la chanson populaire, que les chœurs ouvriers entonnaient autrefois à la fin des banquets copieusement arrosés de rouge (liquide ou claquant au vent) et des grandes cérémonies. Mais on ne saurait se passer de ce que j’appellerai faute de mieux « volonté collective » (laissons de côté J.-J. Rousseau et sa "volonté générale").

Je me demande d’ailleurs si elle n’est pas là, la cause première du mal dont souffre la France. Un pays où triomphe la lutte de toutes sortes de « minorités » pour la « reconnaissance de leurs droits » (je ne refais pas la liste des auteurs de la grande fragmentation, qui sont les méchants), un pays où trop de monde a perdu de vue le principe national, seul socle assez homogène et rassembleur, disons-le : un pays où règne une telle discorde est pris entre tant de forces centrifuges que je ne vois pas comment qui que ce soit pourrait le faire sortir de la nasse.

"Faire barrage au Front National" n'est aujourd'hui que le minable refrain chanté par le minable comportement de toute une caste de complices, qui se sont de longue date partagé le pouvoir et les places. Le constat effrayant d'une longue imposture. Comme disait ma voisine Mme L. quand on avait bénéficié d'un très beau temps pendant plusieurs jours d'affilée : « On va l'payer ! ».

Mais sans doute ne suis-je qu'un innommable décliniste, un défaitiste odieux, un fataliste cloacal.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : ainsi Fillon se lance dans la surenchère. Son but : attiser le feu de la haine. Voilà qu'il accuse Hollande d'entretenir un "cabinet noir". Il s'appuie, pour l'affirmer péremptoirement, sur Bienvenue place Beauvau, un livre écrit par trois auteurs, journalistes, dont deux du Canard enchaîné. L'un de ces deux, Didier Hassoux, vient de démentir catégoriquement. Il a déclaré publiquement qu'il est impossible, dans ce livre, de trouver la moindre trace du moindre complot ou du moindre "cabinet noir", et que si celui-ci existe, c'est exclusivement dans le moindre cerveau de François Fillon.

Flagrant délit de mensonge, donc ! François Fillon est un menteur ! Dieu sait pourtant que je n'aime pas François Hollande, mais il faut comprendre que l'accusation de Fillon est une pure et simple stratégie de la destruction, sans doute inspirée par l'expérience acquise sous Sarkozy, qui était spécialiste en matière de clivage et d'hostilité entre les groupes sociaux. Cela sert autant à enfumer qu'à galvaniser les troupes avant l'assaut. La logique de cette stratégie, si elle est poussée jusqu'à son terme, ce n'est rien d'autre que la guerre civile. Bravo, le présidentiable.

A ma connaissance, il existe dans le monde un seul "cabinet noir" : celui de monsieur Jean-Henri, dans La Rubrique-à-Brac de Gotlib.

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On ne sait pas assez que le vieux Gepetto, avant sa marionnette chérie Pinocchio, avait fait un premier essai, mis sous le boisseau par Carlo Collodi, mais heureusement revenu au jour suite aux recherches de Gotlib, réussi pour ce qui est du façonnage du bois, mais complètement raté sur le plan moral. Voilà où finira l'infect garnement : dans le cabinet noir de M. Jean-Henri. Jean-Henri Fabre (1823-1915) est un célèbre entomologiste. Avis à tous les infects garnements ! Ils finiront dans le "cabinet noir" de Monsieur Jean-Henri, bouffés par une colonie de "termites du Sénégal septentrional" (Gotlib, au sujet de ces termites, semble être allé jusqu'à trouver des sources dans la littérature scientifique produite par un certain Lepage).

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mardi, 21 février 2017

QUEL PRÉSIDENT ?

Qui sera le prochain président de la République française ? Sera-ce une présidente ? Les politologues se perdent en conjectures ? Un brouillard épais bouche l’horizon du paysage politique de la France ? Il faut bien reconnaître que tout ce qui structurait le paysage jusqu’à maintenant a atteint les limites de la décomposition cadavérique : les mouches et les vers s’en donnent à cœur-joie et s’empiffrent à qui mieux-mieux (« Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,/ D'où sortaient de noirs bataillons/ De larves, qui coulaient comme un épais liquide/ Le long de ces vivants haillons », Une charogne, Charles B.). Il y aurait lieu de s’en réjouir, si les conséquences ne risquaient pas d’être aussi néfastes pour le pays.

Non, il n’y a pas lieu de se réjouir de l’infâme merdier dans lequel patauge la politique en France depuis quarante ans. Ce qu’on peut dire, c’est que le merdier actuel marque le dernier stade d’un processus qui n’a pas cessé. Parmi les ferments qui l’ont provoqué, je citerai en premier lieu l’homogénéité sans cesse plus grande du personnel politique : peu à peu il s’est composé de gens conformes à un seul et unique modèle, à cause (soit dit pour simplifier) de la prégnance de l’ENA dans leur formation intellectuelle, qui en fait moins des politiques que des directeurs d’administration. Car l'ENA forme exclusivement des gens en vue de la "préparation à la décision". L'ENA, à la base, ne forme pas des décideurs.

Car un homme politique n’est pas un gestionnaire : il laisse ce soin à des techniciens de la chose. Le premier métier du politique n’est pas de faire des budgets prévisionnels, des bilans ou des inventaires des moyens à disposition : le comptable et le technicien feront ça très bien. Son premier métier est de porter un regard sur son pays, d'imaginer comment améliorer sa situation, et avoir une idée de la place qu’il peut ou doit occuper dans le monde. L'homme politique, au sens le plus noble, doit être un inventeur, un bâtisseur, un architecte, en aucun cas un administrateur de l'existant. En un mot, il se fixe un objectif, puis il s’efforce de convaincre tout le monde que c’est là qu’il faut aller. La présidence Hollande est une illustration parfaite de tout ce que n'est pas un chef politique.

A cet égard, on peut dire que le cancer qui ronge la vie politique française s’appelle l’ENA (et équivalents), qui sert de marchepied à un nombre invraisemblable de nos actuels politiciens qui, très logiquement, sont imprégnés de la même façon de voir les choses et d’aborder les problèmes : une façon administrative. L'ENA instaure et perpétue une conception purement bureaucratique et technocratique de la politique. C’est moins la volonté, le caractère et la personnalité qui fait l’homme politique aujourd’hui, que la compétence (réelle ou supposée) apportée dans le traitement bureaucratique de dossiers. Le politicien d'aujourd'hui semble devoir être obligatoirement un intello (je n'ai pas dit "intellectuel") capable de pondre des "synthèses" (suivez mon regard). A noter que ce n'est pas parce qu'on se proclame anti-intello que les choses vont mieux (Sarkozy).

S’ajoute à cela que le recrutement du personnel politique s’opère de plus en plus en circuit fermé, selon une trajectoire de plus en plus uniformément balisée, qui fait de la France une république, non de gens qui l'aiment et qui ont envie de la servir, mais une république de premiers-de-la-classe, où les plus anciens, au fur et à mesure qu’ils s’élèvent, recrutent et adoubent de plus jeunes désireux de se lancer dans la carrière, jugés dignes de leur succéder parce qu’ils sont aptes, dociles et qu’ils ont fait allégeance et prêté serment de loyauté.

Et toutes les troupes de ce petit monde trouvent depuis quarante ans dans le Front National l'épouvantail magique qui a servi jusqu'à maintenant à légitimer leurs petits manèges et leurs petits calculs. Tous ces beaux messieurs de la droite et de la gauche (républicaines) se sont mis d'accord pour brandir l'étendard de la « lutte contre le Front National », pour étendre le beau rideau de fumée qui leur a évité de faire diminuer la taille de leurs fromages (cumul des mandats, indemnités diverses, petits honneurs, renvois d'ascenseurs, services rendus, ...). Ils tirent de leur statut très particulier un incroyable privilège, car il leur confère une aura voisine de celle qui nimbait les nobles d'Ancien régime. Pas un pour cracher dans la soupe.

Le Front National ne vaut pas tripette. Son succès apparent est un succès par défaut : c'est la médiocrité de tous les autres qui l'a en quelque sorte fabriqué tel qu'il est aujourd'hui. Donnez-moi des hommes politiques dignes et efficaces, et vous verrez le Front National rentrer dans son trou de souris. Les bonnes âmes qui prêchent la croisade contre le Front National ne me font même pas rire : ils me mettent en rage, car ils sonnent une charge contre un moulin à vent qui constitue en réalité une excellente manœuvre de diversion et qui fait oublier les véritables responsabilités.

Cette pratique quasi-féodale de la politique ne risque pas de laisser émerger des personnalités nouvelles, voire originales, ni un sang neuf irriguer les artères de la France. Ce système de recrutement des élites a littéralement stérilisé le terrain des possibles. Il suffit de regarder ce qui se trouve actuellement sur la ligne de départ dans le championnat présidentiel d’avril-mai. Je fais abstraction de tous les 0,5% incompressibles qui s'alignent à chaque fois.

A l’extrême-gauche (faisons semblant d’admettre l’appellation), avec La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, charrette sur laquelle les derniers survivants du PCF ont été obligés de monter, on a un bon tribun qui aime la boursouflure oratoire (il cite Victor Hugo sans s'attirer de tomates), mais un vieux cheval de retour qui, entré au PS en 1976, essaie de nous faire croire qu’il peut tout régénérer. Un histrion, quoi. Un olibrius si vous préférez.

A gauche (là encore, faisons semblant), Benoît Hamon, freluquet émané pur sucre du PS (pour Pédalo Socialiste), est le seul à présenter une idée nouvelle dans le paysage : le désormais célèbre « revenu universel », énorme fumisterie à la viabilité de laquelle lui-même fait semblant de croire, et dont seuls des gogos peuvent acheter le produit miracle vendu par ce camelot. Et ce n'est pas la rescousse écolo venue de Yannick Jadot (alias Jadot-lapin, à cause des carottes bio) et de son groupuscule gonflé à l'hélium qui convaincra les foules.

A droite, François Fillon l’ultralibéral doctrinaire, l'incarnation même de notre système politique agonisant, choisi triomphalement par son camp pour en porter les couleurs, a réussi à le couvrir d'immondices, compromettant ses chances d’élection, mais compte sur le temps qui passe pour que le dégoût s’affaiblisse et disparaisse, et que la raison calculatrice finisse par lui permettre, malgré tout, de l’emporter.

A l’extrême droite (républicaine, dit-on), Marine Le Pen actionne le vieux levier des fantasmes idéologiques légués par son papa (retour au franc, halte à l’immigration, …), dans l’espoir de faire passer au second plan la folie proprement délirante de son programme économique : baisse de plusieurs impôts, des tarifs de l’énergie, des droits de succession, et augmentation des effectifs de la police, de la gendarmerie, de l’armée, des salaires des fonctionnaires, des allocations, des pensions. Bref, d’un côté elle veut assécher les ressources de l’Etat, et de l’autre accroître démesurément ses dépenses. Autrement dit, Mme Le Pen nous refait le vieux coup du "demain on rase gratis". C’est la recette exacte de quelqu’un qui proposerait aux Français de faire faillite le plus tôt possible. Un suicide. 

N’ai-je pas oublié quelqu’un ? Ma foi, si vous y tenez. C’est quoi, Emmanuel Macron ? Franchement, vous y croyez ? Ce n’est pas sérieux. Véritable auberge espagnole de la politique, il a inscrit sur son enseigne : "On peut apporter son manger". Il n’a ni main gauche ni main droite : il ne se situe nulle part (sens exact du mot « utopie »). Lui, il est carrément « au-dessus des nuées », comme dit Baudelaire. Il n’est pas en communication, il est en communion. Là, il « se meut avec agilité » (du même Baudelaire). Capable de dire au public de ses meetings : « Je vous aime », cet ancien banquier très propre sur lui ose un jour parler de « mystique » en politique, et le lendemain manier le « crime contre l’humanité », quand il s’agit de draguer l’électorat issu de l’immigration. Voilà, Macron n’est rien d’autre qu’un vulgaire dragueur : il veut plaire, il veut séduire, tous les moyens sont bons. Il dit à tout le monde : « Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? ». Je dis juste : non merci, sans façon. En résumé : c'est une baudruche.

Qu’est-ce qui ressort de ce panorama ? Un diagnostic pas brillant du tout. Pour la première fois, le Front National a une petite chance d’arriver au pouvoir. Si cela advient, gare au cataclysme. Mais ce ne serait que le résultat mécanique du dépérissement de la vie politique française, asphyxiée, étouffée, étranglée par la détention exclusive des pouvoirs par deux mafias complices pour arracher les places et les centres de décision à la délibération démocratique. Deux mafias tout aussi impuissantes l’une que l’autre à modifier un réel qui se dégrade inexorablement pour un nombre sans cesse grossissant de pauvres (c'est ce mécanisme qui a porté Trump au pouvoir aux USA).

La « colère de la population à l’égard des élites » (refrain aimablement colporté par les élites elles-mêmes, qui ont plus d’un tour dans leur sac pour embrouiller, voir dans Le Figaro l’éditorial du jeudi 10 novembre 2016, signé Alexis Brézet, et intitulé « La colère des peuples », suite à l’élection de Donald Trump) est principalement due à cette confiscation des voies d’accès démocratiques à la décision politique.

Si Marine Le Pen l’emporte à la présidentielle, les Français le devront à l’institutionnalisation d’une forme de pourriture morale qui touche structurellement l’ensemble du personnel politique, qui fait de chaque responsable et de chaque élu un pourri par fonction, quelle que soit par ailleurs l’authenticité de son intégrité personnelle, et un complice forcé de la décrépitude, car ce n’est pas la probité individuelle des individus qui empêche la décomposition d’un système qui tourne principalement dans l’intérêt de sa propre conservation.

Oui, je suis en colère contre tous les postulants aux suffrages et aux places : je vois comme tout le monde le délitement à l’œuvre. Simplement, si j’étais un Américain, je n’aurais pas voté Trump, malgré tout le dégoût que pouvait m’inspirer la défunte Hillary. Je suis un Français. Je ne me vois pas reporter mon choix électoral sur Marine Le Pen, qui préfère nous proposer un suicide national rapide, de préférence à une lente agonie (peut-être pas si lente que ça, après tout).

Voilà le choix qui nous sera prochainement offert : un vieux poisson boursouflé de soi-même qui sent la marée du siècle dernier, un freluquet dont le seul avantage est de faire semblant de sortir de l’ombre, un cacique d’ancien régime qui avoue la priorité de son amour de l’argent sur tout autre idéal, un paltoquet qui a ouvert sa doctrine à tous les vents dans l’espoir de les voir se rassembler pour gonfler ses voiles, une fille à papa addict au poker et au bluff, qui a misé gros sur le pourrissement général, dans l’intention de tirer les marrons du feu. Plus personne de sensé ne peut y croire un instant.

Dans ces conditions, faut-il voter pour le « moins pire » ? Faut-il voter ? En l’état, je m’y refuse. Je ne ferai pas le déplacement. Arrive ce qui arrive, ce n’est pas mon dérisoire 44 millionième de voix qui changera quoi que ce soit au résultat. Ils n’avaient qu’à être à la hauteur. Je me dis même qu’il faudrait 44 millions d’abstentionnistes. 

Et pourquoi pas un appel à la grève générale des électeurs ? Vous imaginez, zéro bulletin dans l'urne ?

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 11 février 2017

LES "COUPS" DU PÈRE FRANÇOIS

Lettre ouverte à tous ceux qui nous font honte d'être Français.

Les coups de projecteur sur les activités de François Fillon, et sur la réalité des inactivités grassement rémunérées de son épouse Penelope et de ses enfants Marie et Charles, ont mis en pleine lumière une bonne part de ce qui rend l'ensemble du personnel politique français vomitif et haïssable aux Français, et surréaliste aux yeux du monde, qui regarde notre pays avec effarement.

Mais si le cas Fillon suscite un tel dégoût, ce n'est pas seulement parce qu'il révèle une pourriture particulière. Car si Fillon (et beaucoup d'autres) a pu prospérer à ce point et si longtemps, c'est que tout le système politique fonctionne de façon à autoriser de telles pratiques, et quand je dis "autoriser", c'est peut-être "favoriser", voire "organiser" qu'il faut entendre. C’est tout le fruit qui est véreux jusqu’au cœur. 

Le pire dans cette affaire est que le cas particulier Fillon n'est que la caricature de mœurs très communément partagées, qui font des députés, sénateurs et ministres cette odieuse caste de privilégiés, sans parler de tous les rats mis « en réserve » (= recasés tant bien que mal pour "services rendus") dans des sinécures plus ou moins fromagères : siège dans une "Haute Autorité", au CSA, au Parlement européen, au Conseil économique et social (véritable malle au trésor réservée à tous les récompensés des "petits services"), Institut du monde arabe (pour Jack Lang), direction d'un des très nombreux "Observatoires" lucratifs mis en place depuis des décennies, et un nombre indéterminé de planques moins voyantes. La pourriture est dans les "usages", les "habitudes" et les "coutumes" en vigueur parmi les élites politiques, un pli qui a été pris avec la professionnalisation des fonctions politiques.

Les ministres suédois, quant à eux, mangent à la cantine, et les députés se déplacent à vélo et voyagent en train : de quoi tomber de sa chaise quand on compare. De quoi être écœuré jusqu'à la nausée par ce que se permet un homme qui trait les contribuables comme une vache à lait, et qui ose se présenter à leurs suffrages pour diriger le pays. 

C'est le statut actuel des hommes politiques qui doit être rayé de la carte. Le "sortez les sortants" est une poudre aux yeux. Le "dégagisme" vociféré par le vieux poisson Mélenchon est totalement illusoire s'il ne s'accompagne pas de la décision de jeter à bas la structure entière du mode de désignation des "élites" politiques. Il est frappant de constater que Mélenchon, Hamon, Valls, Fillon, sauf erreur, n’ont jamais vécu ailleurs que dans le petit monde des politiciens professionnels. Marine Le Pen est juste une fille-à-papa. Quant à Macron, candidat de la banque (au fait, d'où tire-t-il les ressources qui lui permettent de faire campagne en grand ?), qui peut voir un instant, en cet immature paltoquet (Le Robert : « homme insignifiant et prétentieux »), un chef de l’Etat ? 

Pour moraliser la vie politique française, il y a un excellent et efficace moyen : cesser de doter les mandats électifs d'avantages matériels (financiers et autres) si consistants qu'ils ne peuvent que susciter concurrences et rages de convoitise. Cesser de rendre ces postes éminemment désirables pour les ramener à leur fonction originaire : servir le pays en faisant les lois. Cela redonnerait à la fonction parlementaire la signification noble et respectable que des pratiques complaisantes ont avilie et dévoyée. Sans aller jusqu'à assécher complètement le fleuve Pactole, il faudrait en enserrer le débit entre des digues sûres. 

Pour commencer, on pourrait revoir à la baisse le nombre des parlementaires, cesser de les rémunérer avec l’argent public comme s’ils étaient des patrons de PME florissantes (plus de 12.000€ (indemnité + frais de mandat), sans compter les crédits pour payer des collaborateurs : on voit avec Fillon où peut aller cet argent), les obliger à abandonner leur fauteuil de maire s’ils veulent être députés ou sénateurs, leur interdire d'occuper plus d'un poste (Gérard Collomb, qui vient de rejoindre Macron, est à la fois maire, sénateur et président de la Métropole de Lyon : vous trouvez ça normal ?), d’assurer plus de deux mandats d’affilée, les faire retourner à la vie civile après avoir joué leur rôle, sanctionner la moindre absence aux débats, bref, les obliger à descendre de leur piédestal confortable et de mettre pied à terre, et tout faire pour empêcher qu’ils puissent se considérer autrement que comme des personnes ordinaires.

Car le plus choquant dans l’histoire Fillon (après d’autres) est l’impression qu’il a produite de se sentir dans son bon droit, invulnérable, immunisé contre la réalité commune (nous faire le coup de l’indignation, franchement, il nous prend pour qui ?).  La césure entre la caste des politiciens (avec tous ceux qui gravitent autour, en profitent et filtrent ce qui leur arrive de la réalité) et la population française ne sera comblée qu’à ce prix. Malheureusement, mon sentiment intime est qu'elle n'est pas près d'être comblée.

Encore plus choquant : je m’étais senti humilié en tant que Français par la bassesse arrogante d’un Nicolas Sarkozy allant mendier des stylos de luxe dans les rencontres internationales ; je me suis senti humilié en tant que Français par l’indécision pathologique d’un François Hollande, obsédé de faire la « synthèse » et de ne se mettre mal avec personne ; aujourd’hui je me sens humilié en tant que Français par le cynisme impavide d’un François Fillon capable, comme tant d'autres, de laisser la France ridiculisée dans la presse internationale pour les mœurs corrompues de son personnel politique, et indifférent au discrédit moral dont le pays tout entier est l'objet. 

François Fillon, comme les autres, nous fait perdre le sens de la dignité et de l’honneur. François Fillon, qui se prétend homme d’Etat, n’hésite pas à laisser fouler aux pieds l’honneur de la France, qu’il aspire à diriger.

Honte sur lui. Et honte sur nous tous Français, s’il venait à être élu.

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 20 janvier 2017

MACRON LE PANACHE BLANC

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Photographie Frédéric Chambe.

Le voile protecteur posé sur l'échafaudage permet de mettre en évidence le rayonnement bleuté qui émane d'un lampadaire  de nouvelle génération et qui, en temps ordinaire, n'est pas perçu comme tel. Dernièrement dans Le Monde, un chirurgien des yeux pestait contre les écologistes aveugles qui, dans leur frénésie d'économies d'énergie, ne tiennent aucun compte des effets de ce rayonnement bleuté produit par les LED sur la rétine humaine, paraît-il dévastateur, et prometteur d'une future épidémie de DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l'Âge). Je livre tel quel cet avis d'un spécialiste. De bons philosophes savent, disent et professent qu'il ne peut y avoir de gain (ce qu'on appelle "Progrès") sans une perte équivalente. En réponse, comme Escartefigue répondant dans le Marius (III,5) de Pagnol, à je ne sais plus qui, « La marine française, elle te dit merde », avé l'assent), le "Progrès" répond, imperturbable et sûr de son bon droit : « Tu sais ce qu'il te dit, le Progrès ? ».

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Tiens, à propos de progrès, voilà ce qu'il nous dit, Le Progrès, mercredi 18 janvier :

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Devinette : quelle est la couleur du panache blanc de Macron ?

Une cinquantaine de socialistes du Rhône, dont le maire de Lyon Gérard Collomb, ont annoncé qu'ils ne participeraient pas à la primaire du Parti Socialiste (Belle Alliance Populaire dans sa version exotique, fleurie et odorante) et qu'il rejoignent en cohorte tous les ralliés qui ont déjà fait leur déclaration d'amour à Emmanuel Macron et à sa candidature.

Pour être franc, Emmanuel Macron, c'est quoi ? Quand des "experts" analysent la "trajectoire fulgurante" de ce type très propre sur lui, ils sont perplexes, ils répondent qu'ils ne savent pas bien, que les contours de sa "doctrine" sont pour l'instant un peu flou, qu'ils attendent de connaître les détails de son programme pour se prononcer.

L'intéressé ne semble pas pressé, c'est le moins qu'on puisse dire, de mettre ses cartes sur la table. Pour mon compte, j'ai tendance à me dire que, quand il estimera que ce jour est venu, il y a des chances qu'on assiste à un drôle de spectacle. Probable en effet que l'on verra la montagne accoucher d'une souris. Mieux, il est même possible qu'on voie ce jour-là, pour la première fois, une élégante mayonnaise accoucher de Mickey mouse.

Ce qui est sûr, c'est que le "petit nouveau" fonctionne à la façon d'un certain "panache blanc", d'illustre mémoire dans l'histoire de France. Aujourd'hui, c'est Macron qui fait le panache blanc.

L'image du miroir aux alouettes était également utilisable, quoique le message qui s'en dégage soit moins amusant. Ce qui est sûr, c'est qu'en ce moment, les dents longues de cette étrange émulsion médiatique croquent sans se gêner dans le gâteau que les enquêtes d'opinions sortent pour lui du four "à pleines pallerées" (Rabelais).

Convainquons-nous, au risque de doucher les enthousiastes, que le soufflé ne tardera pas à retomber : Macron est la pièce toute neuve (on dit "fleur de coin" chez les numismates) qui sort d'une machine à bout de souffle. Toutes les pièces qui sont sorties de la même chaîne de fabrication sont aujourd'hui bonnes pour la casse.  C'est la série entière qui doit renvoyée chez l'industriel pour malfaçon.

Dans ces conditions, sur quoi sont fondés les innombrables ralliements que collectionne dans son sillage la candidature de Macron ? Va comprendre ...

Mais il me vient tout à coup une petite idée, que partageront sans doute pas mal d'abstentionnistes endurcis. Derrière le défilé impressionnant des troupes qui emboîtent le pas, jour après jour, à ce premier de la classe à gueule de jeune premier (ça tombe bien), je vois s'allumer sur le mur du fond une enseigne au néon qui illumine la noblesse des intentions de tous ces suiveurs : 

À LA SOUPE !!!!

Les premiers ralliés nourrissant sûrement l'espoir d'être les premiers servis : il y aura des places à prendre au cas où .... Tous ces ralliés sont en train de jouer au loto. En clair : ils croient au père Noël, et ils voudraient très fort que nous fassions de même.

Je réponds à la façon de Donald Trump : NO WAY !!!

Le panache blanc d'Henri IV ("le chemin de la gloire et de l'honneur") avait tout de même une autre gueule.

mercredi, 16 novembre 2016

DÉSOLÉ : ENCORE L’ISLAM 3/3

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Lettre grande ouverte à ceux qui gardent les yeux grands fermés (eyes wide shut).

3 – Les agissements des islamistes en France.

L’invention récente des « phobies » morales a donc ouvert un boulevard à un certain nombre de groupes islamiques (Frères, Salaf, Takfir, Wahab, Tabligh, …), activistes très militants et missionnaires prosélytes, qui se font une concurrence acharnée pour accroître leur influence au sein de toutes les communautés musulmanes, et la surface de leur emprise sur "la communauté des croyants". Elles sont là, les forces à l’œuvre dont l’action autorise à dire que l’islam est reparti à la conquête du monde. C’est reparti comme en 632 (victoire de Mahomet sur ses ennemis, qui précède la conquête de la moitié du monde connu à l'époque) ! Daech, avec son djihad, sa férocité, ses cruautés, ses bombes humaines, n’est que la forme la plus extrême de cette guerre.

Ces forces, en France, sans le crier sur les toits, restent bien à l’abri derrière la majorité silencieuse des musulmans qui, comme toutes les majorités silencieuses, tient d’abord et surtout à sa tranquillité. Les tolérantistes à tout crin, qui crient à la moindre critique à « l’amalgame », à la « stigmatisation », ont cependant raison sur un point : la plupart des musulmans qui vivent en France veulent vivre en paix, qu'ils soient pratiquants, juste croyants ou simplement "de culture musulmane".

En revanche, les femmes qui se voilent et les barbus en longue robe qu'on voit de plus en plus dans nos rues manifestent par leur tenue vestimentaire, au minimum, le refus de s’intégrer. Le refus de la France. C'est là que commence le problème de la France : avec l'ostentation de l'islam sur le sol national, s'installe, qu'on le veuille ou non, une forme d'extraterritorialité (dans les mosquées salafistes, notamment). Les autres religions se sont fondues dans le paysage. L'islam est la seule à rester ostentatoirement visible, comme en terrain conquis.

La preuve que c'est un vrai et gros problème nous est donnée régulièrement par les empoignades féroces (dernière en date : le "burkini") que cette ostentation provoque entre différentes composantes de la société. Empoignades qui font apparaître la France comme un pays profondément divisé (ce qui ne peut que réjouir les islamistes). Empoignades qui ont surtout l'avantage, en déplaçant le débat sur les questions de tolérance et de concurrence des définitions de la "laïcité", de laisser dans l'ombre le fait que, derrière le rideau des musulmans pacifiques et plus ou moins pieux, de vrais islamistes veillent et agissent.

Entre ce point minimal et celui qui marque le départ pour le djihad, il y a une foule de points intermédiaires qui, au total, forment un ensemble très flou, aux limites indécidables et multiformes. C’est dans ce flou et ce brouillard que nagent les poissons-pilotes, les sergents recruteurs de l’islam rigoriste, de l’islam prosélyte, de l'islam qui grignote l’espace national, et qui s’installe dans la république comme dans un fromage.

Toute la mouvance reste ainsi dissimulée, bien à l’abri 1 - derrière le rempart formé par les musulmans inoffensifs, bien à l'abri 2 - derrière l'accusation d' « islamophobie » toujours prête à être dégainée et à servir à flinguer l'adversaire, et bien à l’abri 3 - derrière les « grandes valeurs » de tolérance et de laïcité qui structurent, au moins sur le papier, la société française. Essayez donc de distinguer le pacifique du militant, dans ce magma ! Le sceptique du fanatique !

La preuve que ces gens malintentionnés sont bel et bien « En Marche » (bien plus que la nouvelle PME Macron, dont "En Marche" est la raison sociale) a été publiée dans Le Canard enchaîné du 2 novembre, dans un article de page 4 intitulé « Surtension de Coran dans les Yvelines ». Le contenu de l’article, qui a de quoi donner froid dans le dos, est ainsi résumé en sous-titre : « Coups de force salafistes dans les mosquées, infiltrations de Frères musulmans, multiplication des écoles intégristes : les barbus prolifèrent dans les anciens bastions ouvriers du département ».

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L’article cite quatre villes du département : Trappes, Guyancourt, Les Mureaux et Ecquevilly. Guyancourt est la seule, pour l’instant, à avoir échappé à l’emprise : quand les salafistes ont tenté un coup de force sur l’association des musulmans de la ville, la majorité des fidèles sont partis pour fonder une autre structure avec le soutien du maire PS. Les communautés musulmanes, dans les trois autres, sont désormais tenues bien en main, parfois avec le soutien complice des mairies, qui ne veut pas perdre un tel réservoir d’électeurs.

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Dessin d'Aurel dans Le Canard enchaîné du 3 novembre.

A Trappes, « les Frères musulmans ont pris le contrôle des plus importantes » associations de fidèles : l’UMT tient la grande mosquée d’une main molle, qui « a permis aux intégristes de devenir très influents à Trappes ». Les Frères enseignent la religion à 500 personnes, dont des enfants. L’enseignement à domicile a explosé (80 familles déclarées, combien au total ?). L’Education nationale et le maire PS (Guy Malandain, 79 ans) ferment les yeux et gardent le silence sur tous ces agissements. On dirait même qu’ils se félicitent de ce que l’installation de l’intégrisme aille de pair avec « une baisse générale de la petite délinquance ». Des élus républicains délèguent donc, dans une ville française, le maintien de l'ordre aux islamistes ! Encore bravo ! 

Aux Mureaux, la mosquée peut accueillir 1500 personnes, et contrôle une école hors contrat, où le programme d’enseignement est débarrassé de matières aussi futiles que les maths, l’anglais, l’histoire-géo, les sciences, et se soucie de procurer « une éducation basée sur les principes et les valeurs de l’islam ». François Garay est le maire, il est « divers-gauche », et tient aux voix des musulmans comme à la prunelle de ses yeux.

Moralité : il est trop content de laisser faire. Et l'Education Nationale de madame Najat Valaud-Belkacem accepte lâchement l'existence de ce qu'il faut bien appeler une ÉCOLE CORANIQUE, sur le territoire d'une république qui a inscrit l'instruction obligatoire au fronton de ses principes. Mesdames, messieurs, j'ai l'honneur de vous présenter la première école coranique installée en France avec la bénédiction du gouvernement de l'Etat. La suite suivra.

Ecquevilly est logé à la même enseigne : les barbus se pressent pour écouter les prêches de Youssef Abou Anas. Un élu est inquiet de constater que le groupe est tenu par à peine quelques personnes, mais « puissantes » (le mot interroge). L’imam ci-dessus refuse de serrer la main de la maire. La nouvelle équipe municipale a mis fin à une trouvaille de l’imam : il occupait le parc de la mairie « pour y célébrer la prière de l’Aïd ».

Voilà un tout petit bout d’état des lieux. Conclusion : on est en train d'assister à l'essor irrésistible d'une offensive qui vise à enrôler les musulmans de France (y compris les convertis) dans les rangs de l'islam le plus affirmé, le plus rigoriste, le plus à cheval sur les principes religieux. Le plus conquérant.

Je pose une question : en France, combien y a-t-il de départements des Yvelines ? Et la Seine-Saint-Denis ? Et ailleurs ? Combien de villes aux prises avec cette offensive mahométane ? A ceux qui le nieraient, j'oppose 1-le cas de Gilles Kepel, 2-l'instrumentalisation islamique des "phobies", 3-la situation en Yvelines telle que rapportée par Le Canard enchaîné. Difficile, je crois, de balayer ces éléments concrets d'un revers de main méprisant, aussi ténus qu'ils puissent sembler.

Entre l'aveuglement des politiques soucieux d'éviter les vagues et les motifs de division, et de maintenir la paix civile, la lâcheté électorale de certains maires et les appels incantatoires des bonnes âmes à la tolérance envers les "différences", le ver islamiste a encore de belles perspectives pour s'empiffrer du fruit français.

D'autant que la concurrence est rude.

Voilà ce que je dis, moi.

NB : on constatera que j'ai ici renoncé à utiliser comme argument le roman Soumission de Michel Houellebecq, bien que le recours à ce roman prophétique eût été tout à fait pertinent.

vendredi, 08 avril 2016

QUELS PARADIS FISCAUX ?

NICOLAS SARKOZY : L'HOMME QUI PRENAIT SA VESSIE POUR UNE LANTERNE

(Pour ceux qui connaissent encore Pierre Dac et Francis Blanche dans le sketch célébrissime (et suranné) du "Sâr Rabindranath Duval" : « Et alors ? Et alors il se brûle ! »)

 

 

Un petit coup d’œil dans le rétroviseur est parfois bien instructif. ... Et réjouissant, après tout.

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Et pendant ce temps-là, j'espère que vous avez senti ce vivifiant vent politique de fraîcheur politique souffler sur la vie politique et le personnel politique français. Politique, on vous dit. Là est le salut. Du moins, c'est ce que nous clament tous les éditorialistes aujourd'hui, unanimes dans l'acclamation de ce jeune homme très propre sur lui, connu sous les initiales E. M. 

C'est alors que me revient cette phrase de Philippe Meyer parue en 1992 dans une gravure au burin représentant François Léotard (dans le réjouissant Pointes sèches) : « ... il m'arrive de me demander si Panurge ne devrait pas être le saint patron des journalistes ». C'est parler d'or. Je pasticherais volontiers Pascal : « Un éditorialiste sans Emmanuel Macron est un homme plein de misère ». La vérité, en effet, c'est qu'Emmanuel Macron, sans être un roi (quoique Brassens affirme qu'un certain roi ne saurait être détrôné), est déjà un divertissement. 

Les journalistes sont de la même espèce que ces touristes qui, se précipitant au commandement d'un seul côté pour voir ce qu'il y a à voir, font chavirer le navire qui les porte et coulent au fond avec lui.

Sûrement qu'Emmanuel Macron, avec son mouvement "En Marche", va redonner vie et jeunesse à l'épouvantable fossile qu'est la politique en France. Mais je doute fort que le petit Macron qui vient d'éclore (nous fait-on croire) parvienne à nous faire oublier l'énormité du mensonge que François Hollande avait vendu aux électeurs sous les traits de son slogan : "Le changement, c'est maintenant". Emmanuel Macron est aussi nouveau que les dents de requin trouvées dans le sable, quelque part en Ardèche : un vieux fossile.

Prout ou Macron, c'est kif-kif : ce n'est pas poétique, ça pue. Macron pouët-pouët : le même ne saurait produire de l'autre. Pendant le changement, le formatage continue.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 21 décembre 2015

FRANCE : UN FOSSILE POLITIQUE

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Préambule d'actualité

Le Grand retour de Nanard (ou : Nanard fait son cinéma)

Symptôme du grand délabrement de la vie politique française : Bernard Tapie fait annoncer son retour en politique. Les éditorialistes sont effondrés ce matin, et s'apitoient sur la panouille médiatique dans laquelle Tapie fait mine de revenir patauger. Entonnons avec Orgon le refrain qui scande la scène 4 de l'acte I de Tartuffe : « Le pauvre homme ! ». Enfin, "pauvre", ... ce n'est pas encore fait. Certains préféreront crier, avec les Tunisiens de 2011 contre Ben Ali : « Dégage ! ».

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2 

En France, pour autant qu’on soit bien informés, on n’en est pas là : juste un petit Cahuzac de temps en temps. La pourriture (sens premier de "corruption") semble périphérique. Croisons les doigts. On pourrait s’en féliciter. Malheureusement, la France souffre d’un Mal tout aussi térébrant. « Mon mal vient de plus loin », dit Phèdre dans la pièce de Racine (I,3). J’appelle ce Mal, quant à moi, la « Grande Fossilisation ». Certains commentateurs parlent d'une « vie politique congelée ». Une preuve en est fournie par le fait qu’à droite, un rival crédible de Nicolas Sarkozy dans la course à la présidentielle de 2017 a soufflé le 15 août dernier les soixante-dix bougies de son gâteau d’anniversaire. Soixante-douze ans en 2017 ! Soixante-dix-sept en 2022 (fin de mandat, s'il est élu). Comment est-ce possible ? 

Tout le monde a l’air de trouver ça normal. En réalité, c’est une énormité, une incongruité, une anomalie, un scandale. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les propos tenus à ce sujet à l’étranger, où l’on est stupéfait, par exemple, de voir qu’un Alain Juppé (c’était bien lui !) était déjà dans la politique plus de trente ans plus tôt.

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MONTAGE PARU DANS AUJOURD'HUI LE PARISIEN DU 21 DÉCEMBRE 2015

Remarquez, il ne fait pas encore aussi bien que Jacques Chirac, dont la carrière politique aura duré quarante ans (1965-2005). Juppé peut encore battre un record. La France politique crève littéralement de ces records de durée. Le renouvellement du personnel politique en France s’opère sur un rythme géologique : dans un million d’années, c’est sûr, les os de Juppé auront subi la pétrification produisant un joli fossile en ordre de marche. Comme diraient Vigneault-Charlebois-Leclerc (4'45") : « Mais nous, nous serons morts, mon frère ». Et Aguigui Mouna (Dupont) ferait inlassablement reprendre en chœur le refrain : « Les-guer-riers-trou-ba-dours/-Les-guer-riers-trou-ba-dours/-Les … » (ça, c'est juste pour ceux qui l'ont connu). 

Voilà : plus grave que la corruption, il s’agit là d’une confiscation pure et simple. Disons-le, depuis lurette, contrairement à ce que s'efforcent de nous faire accroire la meute des « journalistes politiques » et autres éditorialistes, il n’y a plus de vie politique en France : elle a été confisquée par une caste, on pourrait dire une mafia, moins la corruption qui va avec (tout au moins à ce qu’on sait, mais certains parleront d'une corruption structurelle, c'est-à-dire fabriquée par le système dans son ensemble). Le débat politique rampe dans le caniveau, et se réduit à des luttes pour le pouvoir. C'est le moment de faire retentir à nouveau le cri de Sade : « Français, encore un effort si vous voulez être républicains ! » (c'est dans La Philosophie dans le boudoir).

La preuve, c’est que lorsqu’un gouvernement fait mine de s'ouvrir à la « Société Civile », les pauvres sur qui ça tombe sont rapidement éjectés (Francis Mer, Léon Schwartzenberg, …) : ils ne sont pas du sérail. Je passe sur les connivences, pour ne pas dire les complicités qui se sont établies entre les élites politiques, les élites des affaires et les élites médiatiques : contentons-nous de ces mœurs proprement confiscatoires qui ont cours dans les centres de la décision politique, accaparés par une petite caste. 

Y a-t-il même encore des « hommes politiques » en France ? Tous ou presque ont aujourd’hui, et depuis lurette, des têtes de premiers de la classe (regardez la gueule bien lisse de Macron). Et ces mentions "très bien" se sont tracé un « plan de carrière » : à tel âge, je suis "cadre dirigeant", et j'ai ma Rolex avant cinquante ans. Parmi eux, nul n’a plus l’accent d’un terroir quelconque (je ne parle pas de l’accent du midi). Beaucoup sortent, non pas de la société normale, mais de l’ENA ou d’une « Grande Ecole », parfois plusieurs (François Hollande). 

Ces structures sont des bocaux, ils sont ignifugés, et les légumes qu'on y cultive sont mis en conserve après stérilisation. Ils ont appris à « administrer », mais ont-ils appris à « diriger » (au sens marin du verbe « barrer » : donner la direction) ? Même si on n'apprécie guère Pierre Bourdieu, ce serait le moment de faire une large publicité à La Noblesse d'Etat (Minuit, 1989), où il met en évidence l'étroite relation qui s'est établie entre vingt et une Grandes Ecoles et les cercles du pouvoir (politique, entre autres).

Dans leur immense majorité, ce ne sont pas des hommes politiques, mais des administrateurs de biens, des bureaucrates, des cadres, des gestionnaires, des comptables. Et ce sont ces régisseurs, ces fondés de pouvoir, ces managers, ces chefs de bureau et autres "maires du palais" que les Français ont l'inconscience de porter au pouvoir, élection après élection. Qui croit un mot de ce qu’ils disent, quand ils affirment « porter des convictions fortes » ?

Démunis de stratégie à moyen ou long terme, ça ne les empêche pas de marteler à longueur d'antenne : « Le Projet ! Le Projet ! Le Projet ! », en prenant bien soin de ne jamais préciser ce qu'ils mettent dedans concrètement. Diplômés de Science-Po, hommes du verbe, experts de je ne sais quoi, je veux bien l'admettre, mais en aucun cas des "hommes politiques". Ils savent un tas de choses subtiles et savantes, mais ils ignorent le principal : ce qu'il faut faireCeux qui ont le pouvoir n’ont pas de convictions. Et les seuls qui sont sincères n’ont aucun pouvoir. 

Leurs seules convictions ? Faire preuve, avec un inentamable « sens du travail bien fait », de leur capacité à « traiter un dossier », quand il faudrait des Volontés. Ah ça, on ne peut pas leur refuser ce savoir-faire : constituer un dossier, ils savent. Pour les tactiques et les manœuvres, on peut leur faire confiance. Leur seule méthode ? La « navigation à vue ». Je devrais même dire : le cabotage, vu leur répugnance à s’éloigner des côtes : voir ce qui est « possible ». Ensuite, si ça fait de trop grosses vagues, en rabattre et se réfugier au plus vite dans la crique la plus proche. Ils n’ont pas de radar, pas de destination, pas de port d’attache. 

Et puis, pas le temps d’aller mettre les mains dans le cambouis de la « Société Civile » : on ne va pas se salir les mains dans la réalité de tout le monde, ce n’est pas pour rien qu’on a été premier de la classe. Ça met à l'abri. Voilà : ils font partie de la secte "Tous aux abris". Leur parcours les a fait passer directement des tables de salles d’examen aux bureaux Second Empire. Leur expérience est d’avoir côtoyé un univers de papier, de mots et de concepts. Jeunes poissons, ils n’ont aucune envie de sortir du bocal pour partir dans des ailleurs exotiques pour respirer le grand miasme putride du monde réel. Le grand remugle fermenté dans le ventre de la complexité du monde. Le politicien ordinaire de niveau moyen, en France, aura eu l'avantage de ne jamais avoir été mis directement en présence des pestilences olfactives libérées par le sphincter anal de la réalité, elle aussi ordinaire, pourtant.

Jeunes chevaliers à peine sortis de l’Ecole, ils n’ont d’autre hâte que d’aller mettre leur épée au service d’un suzerain qui accepte de les adouber, et de leur accorder un fief en apanage, avec le titre d' « attaché parlementaire ». En échange d'une loyauté de vassal impeccable, cela va sans dire. De l’Ecole à la Chambre, sans passer par la réalité ordinaire : la porte peut alors s’ouvrir sur le bel horizon d’une « carrière politique ». Roule Raoul ! La machine à produire les fossiles politiques a de beaux jours devant elle. L'abstention est la manifestation aveuglante du dégoût sans cesse accru de la population envers ces mœurs ahurissantes. Mais qui fera parvenir ce message à leurs oreilles ? A leur cerveau ? A leur conscience ? Mais ont-ils une conscience ?

La machine à produire du Front National se dirige vers un avenir radieux. 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : suiteetfin demain.

dimanche, 08 novembre 2015

POLITIQUES ET RÉALITÉS VIRTUELLES 2

J'avais commencé à dire dans quel état je vois la vie politique actuelle en France. En résumé : pas brillant !

2 

Des mécanismes supranationaux et transnationaux ont pris le pouvoir, évinçant du même coup la notion de parti politique. Il n’y a plus de partis politiques, il n’y a plus que des officines conçues à seule fin de conquérir le pouvoir. Il n’y a plus de gauche ou de droite, plus de vision de l'avenir, plus de volonté de construire. Il n'y a plus de dirigeants : il n'y a plus que des directeurs. Il y a des chefs de bureau, des comptables, en un mot : des administrateurs, des gestionnaires. Si possible issus de l'ENA, où l'on apprend à pondre en virtuose des palanquées de rapports « Constat / Causes / Solutions ».

Je veux dire qu’il ne peut plus y avoir d’affrontements entre « adversaires politiques » reposant sur l’opposition de « projets politiques » structurés. En un mot, la lutte des classes a laissé place à la lutte des clans : affrontements purement claniques, parfois mafieux, pour le pouvoir, mais formulés, pour le confort intellectuel de la galerie, dans des catégories obsolètes et sous les étiquettes défuntes des « idées politiques », remontant à la guerre froide, avant la chute du Mur et l’effondrement de l’empire « communiste ».

Les politiciens ne sont plus que des comédiens spécialisés dans des rôles servant d'étiquettes : c’est à qui fera le mieux semblant d’incarner les « idées » portées par son camp. Il ne s'agit plus que de "capter l'auditoire" et d'attirer les voix des électeurs. L'hypocrisie est maintenant inscrite au programme de la formation professionnelle du politicien (je me réfère à l'étymologie grecque du mot hypocrite), produisant un catéchisme plus connu sous l'appellation de « langue de bois ».

Pour ce qui est du contenu des « idées », ce sont des think tanks spécialisés qui reçoivent pour mission de les élaborer, de les produire, de les faire mijoter, de les emballer. Pour le parti « socialiste », c’est la fondation « Terra nova » qui en est chargée. C’est elle qui a, dans un passé récent, proposé au PS d’abandonner toute référence à la classe ouvrière, pour s’adresser en priorité aux « bobos », vivier de cette gauche morale terrifiante de bonne conscience qui, ayant abdiqué toute ambition de changer le monde et convertie à l’économie de marché, commodément contente de son sort, se montre cependant toujours prête à s’acheter une conscience en impulsant des réformes présentées comme autant de progrès, mais attention : seulement des réformes « sociétales ». Ne touchons pas à ce que Marx appelait l' "infrastructure".

Aucun de ces « politiciens » - on est en démocratie - ne peut accéder au pouvoir s’ils ne se concilie pas les bonnes grâces de sa « clientèle », pardon : de l’électorat. Pour savoir ce qui lui vaudra ses faveurs, pas d’autre moyen que de chercher à savoir ce qu’il pense. Ensuite, à lui de s'y prendre astucieusement pour lui servir la soupe. On devine comment : enquêtes de motivations, marketing, bref : sondages d’opinions. On enfonce le thermomètre dans le cul de l'opinion. On procède ni plus ni moins que pour vendre des savonnettes, des yaourts ou des boîtes de sardines. 

Ensuite, une bonne agence de communication, comme pour n’importe quelle publicité, va vous concocter un « message » (traduction : un slogan publicitaire : la force tranquille, ensemble tout devient possible, le changement c'est maintenant) qui, on l’espère, entrera assez en résonance avec l’opinion majoritaire pour que la clientèle mette la main à la poche, c’est-à-dire le bon bulletin dans l’urne. Voilà à quoi ressemble la politique en France aujourd’hui. 

Maintenant je peux enfin en arriver à ce qui m’a servi de point de départ : pourquoi croyez-vous que Sarkozy retrouve des accents martiaux sur le laxisme de madame Taubira, le laxisme des juges, l’insuffisance des places de prison, l’insécurité dans les « quartiers », au point de promettre qu'il mettra toutes ces réformes par terre ? 

Très simple : toujours aussi gros consommateur de sondages, il ressert à la population française le thème que les enquêtes d’opinion ont mis en relief. Il se contente de mimer ce qu'il croit être les "attentes de la population", en espérant entrer en "consonance" avec elle (grille de lecture PNL, cette bible des démarcheurs qui ont quelque chose à vendre). Traduction : il fait de la « Com’ ». Le sentiment d’insécurité éprouvé par monsieur Toulmonde, lui, il s’en contrefiche, il a sa cohorte de gardes du corps, il n’est pas concerné. Sarkozy ne s’appelle pas Toulmonde. 

Mais ça veut dire aussi que la réalité de la délinquance en France, il n’en a rien à foutre. Les preuves ? Sarkozy au pouvoir, c’est la destruction de la « Police de proximité », que Jospin avait mise en place avec intelligence, pour mener une efficace politique de prévention de la délinquance. Sarkozy au pouvoir, c’est la fusion catastrophique des RG et de la DST (Mohamed Mehra est un "dommage collatéral" de cette politique). Sarkozy au pouvoir, c’est la loi sur les « peines planchers », aux effets délétères sur la récidive. Sarkozy au pouvoir, c’est la comparaison de la magistrature dans sa globalité avec des rangées de boîtes de petits pois sur des rayons de supermarché. Il ne gouverne pas la réalité, il gouverne le reflet de l’opinion publique que lui livrent par cageots entiers les instituts de sondage. Son obsession, c'est d'être « en phase » avec ce qu'il croit être le peuple.

Hollande ne vaut pas mieux : l’épisode affreusement minable organisé autour de la désormais célèbre Lucette Brochet, de Vandœuvre-lès-Nancy, en est une preuve suffisante. Ce qui caractérise ces dirigeants politiques, leur point commun, c’est que, pour eux, il suffit de gouverner l’image du réel. Leur monde à eux, leur réalité à eux s’arrête à l’horizon qu’ils aperçoivent du fond de leur bocal. 

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« Le pouvoir sur Rubanis … un simple tas de poussière. – Oui, mais maître des images. » C’est Valérian qui répond à Laureline à la fin de l’excellent Les Cercles du pouvoir (Dargaud, 1999), des maîtres Mézières et Christin. Rabelais raconte une histoire vaguement cousine au chapitre XXXVII de son Tiers livre : un rôtisseur veut faire payer un faquin qui « mangeoit son pain à la fumée du roust », juste pour lui prêter le parfum de la viande. 

Pour les départager, on fait appel à Seigny Joan, un « fol, citadin de Paris ». La sentence tombe : « La Court vous dict que le faquin qui a son pain mangé à la fumée du roust civilement a payé le roustisseur au son de son argent ». Tout le monde applaudit cette sagesse salomonesque. Sauf qu'aujourd'hui, Seigny Joan a pris le pouvoir. Et que le peuple n'a plus que la « fumée du roust » et le « son de son argent ». Le parfum du bonheur. La musique de la prospérité. Tout va bien. Dormez, braves gens.

Rabelais, on ne le sait pas assez, annonçait là le règne aujourd’hui admis par tous comme plus réel que le réel, de la « réalité virtuelle ». L’homme « politique » (je me gausse) d’aujourd’hui s’efforce d’agir sur des virtualités en faisant croire qu’il agit sur les réalités. Il agit sur les signes, puisqu'il ne peut plus agir sur les choses. Les choses, quant à elles, restent imperturbables : elles continuent d’avancer. 

Conclusion de tout ça : de même que les décideurs politiques ne saisissent qu’une réalité de plus en plus virtuelle, leur action s’exerce de façon virtuelle. Une action incantatoire qui se réduit au discours qui sort de leur bouche. Lénine publiait, en 1902, Que Faire ?. Aujourd’hui, en France, on connaît la réponse : plus personne, parmi les responsables, ne sait quoi faire. 

Les décideurs politiques, à bien y réfléchir, sont de plus en plus désespérés : ils courent après l'opinion publique, ils courent après les sondages, ils courent après les médias, ils courent après une réalité qui leur échappe davantage de jour en jour. Ils se demandent avec angoisse comment arrêter de mentir. Ils se disent que, peut-être avec raison, le jour où les électeurs sauront la vérité, ils seront à leur tour poussés au désespoir, et alors là, que se passera-t-il ? Ils n'osent pas y penser.

En d'autres temps, ils se mettaient tacitement d'accord pour "ne pas désespérer Billancourt" et s'entendaient, grosso modo, sur un modus vivendi acceptable pour que personne ne reçoive trop de bouses de vaches sur la figure. Quand le peuple sortira de la caverne, ébloui par la lumière de la vérité, que fera-t-il ? Horresco ! Vade retro ! Tantum ergo ! Delenda Carthago !

Une seule solution : continuer dans le mensonge. Que tout le monde reste dans la caverne !

Le monde extérieur est peut-être hors de contrôle, après tout.

Voilà ce que je dis, moi.

samedi, 07 novembre 2015

POLITIQUES ET RÉALITÉS VIRTUELLES 1

1 

Je parlais dernièrement (le 2) de la classe politique désastreuse dont la France est affligée depuis trop longtemps, et ce que j’entends ne fait hélas que le confirmer. Ainsi Nicolas Sarkozy vient-il de jurer ses grands dieux que s’il revient au pouvoir (ce qu’à Dieu ne plaise, par pitié !), il mettra par terre tout ce qui a été fait, en matière de justice, de police et de politique pénitentiaire, par le gouvernement actuel, sous la houlette de ministres parmi lesquels, pour la droite, madame Taubira joue à merveille le rôle d’épouvantail et de punching ball. 

Pour être franc, j’ai tendance à éprouver une sévère antipathie envers cette personne, d’une part pour l’avoir entendue à plusieurs reprises s’exprimer lors de débats contradictoires, au cours desquels elle ne cessait d’aboyer et de couper la parole aux autres intervenants et où elle apparaissait comme une furie pleine de vindicte envers la France, une France qu’elle ne remercie même pas de lui avoir fait l’honneur de la faire figurer au gouvernement. Une personne détestable. 

D’autre part, je n’oublie pas le coup de force auquel elle a prêté la main, je veux dire l’infamie que constitue encore aujourd’hui l’ouverture du mariage aux homosexuels. J’aurais aimé à cette occasion, où les médias s’extasiaient du fait que « des sondages » montraient « indubitablement » que 63% des Français y étaient favorables, j’aurais aimé que notre minuscule président ait le courage de faire un sondage grandeur nature en organisant un référendum. Il aurait vu, à n’en pas douter, ce que valent les sondages. Mais il avait la soupe à servir à la clientèle électorale qu’il avait draguée en lançant ses promesses. 

Mais foin de Taubira et compagnie. Mon propos est ailleurs. Car la sortie sécuritaire de Sarkozy est un symptôme de la terrible maladie dont la vie politique française est atteinte. Si le nabot fauteur de trouble a enfourché ce cheval, ce n'est pas par conviction (en a-t-il, d'ailleurs ?) : c'est parce qu'il trouve dans les problèmes sécuritaires un « thème porteur », un « créneau » censé entrer en résonance avec l'opinion publique telle qu'elle s'exprime dans les sondages. On est en campagne électorale : la « communication » fait rage. Cela explique.

Selon moi, les programmes politiques et économiques de la gauche et de la droite se différencient par la place des virgules et le nombre d’accents circonflexes : sur le fond, les deux camps sont d’accord pour libéraliser (on dit : « libérer les énergies », « briser les carcans réglementaires » et autres joyeusetés langagières). Ils diffèrent par la hauteur à laquelle ils envisagent de placer la barre : en gros, c’est Macron contre Fillon, le « modéré » contre l’ultra. 

Je veux dire que dans la guerre économique qui se livre dans le monde depuis quelques décennies, le tant célébré « Modèle Français » est définitivement mort et enterré, et que nous devons cette défaite absolue à la "construction européenne" dans son principe, puisque fondée sur la « concurrence libre et non faussée ». Autrement dit la disparition pure et simple de tout ce qui ressemble à un monopole d’Etat. 

Or, ce si vilipendé monopole d’Etat, à quoi servait-il ? A offrir à tout le monde, en quelque point du territoire national qu’on se trouvât, un service identique pour le même prix. Autrement dit, le monopole d’Etat, ce monstre antédiluvien, garantissait la protection de quelque chose qui est devenu négligeable, dans ce monde de libéralisme à tout crin : le BIEN COMMUN. 

Tout ce qui touche au bien commun me trouvera résolument "de gauche" quand il se trouvera menacé. Hélas, le bien commun a disparu du paysage politique. Je l'ai déjà dit : je reste "de gauche" pour tout ce qui touche les conditions concrètes de la vie en commun (conditions de vie, économie, ...), mais pour ce qui est des "valeurs", des mœurs et de la vie "sociétale", je suis "à droite toutes", et j'assume. 

Ah, le "bien commun", cet archaïsme. Pour mieux dévaluer la chose, les responsables et les journalistes appelaient cela le « Service Public à la française », pour bien insister sur le particularisme étrange que celui-ci représentait dans la modernité du monde en marche. Pour bien signifier le « Retard » de la France par rapport aux champions de la marchandisation universelle. 

Le Bien Commun ayant été détruit à coups de privatisations massives, et les entreprises publiques ayant été démantelées afin de mettre la France « en conformité avec les traités », les politiciens français se sont trouvés obligés de mentir pour faire passer la pilule, de « mettre en musique », de présenter les « éléments de langage » pour que cette révolution qui subvertissait tout ce qui faisait l’identité de la nation française apparaisse comme le cours normal des choses, comme l’évolution logique et fluide d’une histoire en progrès permanent et qui, par-dessus le marché, ne renierait rien du passé. 

Cet énorme paquet de mensonges, inutile de dire que tous les partis de la droite y étaient prêts depuis longtemps, le libéralisme économique étant d’une certaine manière « dans ses gènes ». La droite était simplement retenue par l’existence du PCF (adossé à l’URSS) et par la combativité de sa base ouvrière, auxquels elle était forcée de faire des concessions : une histoire de rapport de forces. Pour la gauche, ça s’est passé beaucoup moins bien. Celui qui a fait prendre au parti « socialiste » le virage « à droite toute » s’appelait évidemment François Mitterrand. Cela se passait en 1983. 

Et ce « Tournant de la Rigueur », plongea tous les responsables du parti « socialiste » dans une hypocrisie littéralement structurelle, congénitale et forcée : il fallait s’adapter au libéralisme ambiant, mais sans rien renier, dans les paroles et les discours, du « modèle français ». L’imposture est là. Le modèle français est défunt, et sa résurrection n’est pas au programme. Le résultat de cette mutation dans le langage fut, entre autres, la floraison d’agences de communication chez lesquelles les politiciens venaient faire leurs emplettes en matière de discours et d’ « éléments de langage ». 

Le résultat politique de cette mutation fut que gauche et droite n’ont plus divergé, mais, pour se différencier un peu, ont été obligées de se rabattre sur des détails, la gauche étant volontiers plus « sociale », et même « sociétale » (présenter le mariage homo comme une mesure de progrès, donc forcément « de gauche »), la droite plus « libérale ». Les programmes de gauche et de droite ne sont peut-être pas copie-conforme, mais pas loin. Il ne faut plus parler de "couleurs politiques", mais de nuances.

Les avides de pouvoir ne peuvent plus se targuer de défendre des idées : il n’y a plus d’idées proprement politiques dans les partis de gouvernement. Qui propose (je veux dire : sérieusement) une société plus juste ? Une société plus heureuse ? Un monde moins inégalitaire ? Qui a un plan pour que puissent s'instaurer des rapports humains équilibrés ? Qui a un projet, en dehors de la féroce lutte pour la survie que les humains se livrent, tous contre tous ?

Qu'il s'annonce, s'il existe.

Voilà ce que je dis, moi.